
1981. Alors que Valéry Giscard d’Estaing se prépare à briguer un second mandat, OSS 117 sort du placard informatique où il a été remisé pour partir à la recherche d’un de ses collègues, le jeune et terriblement branché OSS 1001 porté disparu en Afrique.
Plus de dix ans après sa dernière aventure au Brésil, Hubert Bonisseur de La Bath est de retour. Et c’est peu dire qu’il est attendu au tournant. Par tous les fans d’abord, mais aussi par les chantres de la « culture de l’effacement » et ceux qui ont Nicolas Bedos dans leur ligne de mire. Pourtant, loin de démériter par rapport à Michel Hazanavicius qui accusait déjà un certain coup de mou dans Rio ne répond plus, Bedos s’approprie la franchise avec respect. Il offre un spectacle « joyeux et sympathique » qui lorgne visuellement vers les films de James Bond, période Roger Moore, dont il pastiche les fameux génériques et reprend l’éternel méchant russe bardé ici d’une improbable pince de fête foraine. OSS 117, égal à lui-même, est toujours aussi auto-satisfait, misogyne et raciste mais le monde autour de lui a changé. Le président français joue de l’accordéon, les communistes ont remplacé les nazis comme ennemis à abattre et le colonialisme s’est transformé en un affairisme paternaliste appelé Françafrique pour ne pas dire France à fric. Un filon que le réalisateur et son scénariste exploitent avec une certaine réussite, s’amusant du décalage entre leur dinosaure de l’espionnage et la « modernité » de l’époque (aujourd’hui tout aussi dépassées et ringardes) à laquelle il est confronté. Ils en profitent pour flinguer, au passage, l’humour bon teint et aseptisé en vogue de nos jours et dont Kaamelott : Premier volet est actuellement le digne représentant, préférant crânement faire tâche plutôt que de tomber dans le panneau de la bien-pensance. Oui, n’en déplaise aux béni-oui-oui, OSS 117 soutient sans faillir un dictateur (sans aucun cas de conscience, ou alors très mal placé) contre différents groupuscules rebelles aux sigles aussi farfelus qu’oubliables, allant du MoDem à la FNSEA.
Pour qui a vécu la période des années 80, le film fourmille d’assez de clins d’œil et de gags pour permettre de multiples visionnages tandis que le scénariste d’origine, Jean-François Halin, garde le cap de la bêtise élevée au rang d’art tout en modifiant habilement certains éléments que l’on aurait pu penser immuables. Cette fois, pas d’acolyte féminin pour OSS 117 mais un jeune partenaire masculin (impeccable Pierre Niney) venu lui faire de l’ombre autant professionnellement que sexuellement.

Dans le rôle titre, Jean Dujardin maîtrise son OSS jusqu’au bout de son rire à la con. Absolument parfait en benêt cherchant à cacher son racisme ordinaire derrière une prévenance trop marquée pour être honnête ou en Roger Mou(re) qui caresse négligemment la jambe de sa partenaire avant la saillie.
Moins surprenant que Le Caire nid d’espions mais plus réussi que sa suite, Alerte rouge en Afrique noire dresse un triste constat : celui que les abrutis gagnent toujours à la fin. Message bien reçu.
Tu évoques l’humour débridé qui fait un pied de nez à la bien pensance actuelle mais, pour moi, on sent malgré tout que Bedos a légèrement bridé l’ensemble, sans doute à cause de cette bien pensance justement…
Alors, je n’ai pas utilisé le terme d’humour débridé. Cela aurait pu aller beaucoup plus loin, c’est vrai. 😉
Néanmoins, je ne trouve pas, non plus, que Bedos se soit bridé avec cette franchise, il en respecte les codes et cherche à faire « évoluer » le personnage en fonction de l’époque où se déroule l’action, ceci afin d’éviter de reprendre complètement la même formule…
Ce n’est peut-être pas toujours très habile, mais l’ensemble m’a fait rire. 😉
Ah mais oui, moi aussi j’ai ri ! Mais j’ai parfois regretté que l’ensemble n’aille pas un poil plus loin 🙂
« coup de mou » du précédent ? On ne se mettra pas d’accord là-dessus. Je suis encore tombé cinq minutes hier soir dessus et j’étais plié de rire devant le combat de catch.
Par contre, je coche toutes les cases de cette critique sur « Alerte rouge en Afrique noire », encore un grand moment de poilade qui refuse de rentrer dans les clous de l’humour trop gentil des autres comédies françaises. Comme Cécile, j’ai eu l’impression d’un léger coup de polish sur les vannes en présence de Niney, à moins que ce ne soit cette posture d’excessive politesse qui ne donne cette impression. Quoiqu’il en soit, la France à fric, c’est Chic. 😉
Prince à Sucre.
Quel acteur, ce Dujardin ! 🙂
Oui, pas facile de jouer au con avec autant d’aplomb. 😀
Ouais, et bien moi je suis assez réservé sur ce film a priori. A l’aune des précédents.
En effet, les grosses blagues sur les noirs, les africains, et tout et tout .., qu’il faut comprendre au seconde degré … Ca me lasse un peu.
Je crois qu’il faudrait peut-être un jour cesser de considérer ceux qui ont une pigmentation cutanée supérieure à la moyenne d’une population comme des noirs. Je sais que pour beaucoup de gens de notre pays , un noir, un étranger, c’est forcément très différent, vu qu’il traîne un paquet de clichés sur le dos de tel ou tel groupe humain au prétexte qu’il vient de tel endroit, qu’il est ainsi ou ainsi. Bref, c’est surtout un pas comme Nous, même si personne ne se demande jamais comment les Nous théoriques, nous serions … Il faudrait peut-être demander aux autres comment Nous sommes, pour mieux connaître les clichés qui traînent ailleurs sur notre compte dans le cerveau de ceux des « autres » qui penseraient comme « Nous » qu’il y a des types de gens, qu’on peut facilement identifier et mettre dans des cases hermétiques.
Je reviens de Marseille. Des gens très différents socialement et d’origine géographique ou même ethnique particulièrement diversifiée cohabitent manifestement sans se poser la question permanente du Nous et des autres. On peut alors s’adresser à une femme effectivement voilée aussi spontanément qu’à une nana se baladant en tenue sexy de gym, vu qu’elles cheminent ensemble partout en papotant ensemble sans entrave quelconque.
Si nous pouvions parvenir à cette spontanéité, je pense que ce serait la meilleure preuve que nous n’avons plus l’occasion de passer pour un antiraciste quand nous nous adressons à tout le monde. Il n’y a aucun mérite particulier à considérer les gens qui ne sont pas comme Nous comme nous-même.
Je sens bien que le discours de tolérance a quelque chose de délicat et c’est bien en cela que je préfèrerais que nous passions à autre chose.
OSS 117 est balourd, volontairement. Il est antiraciste en dénonçant le racisme et en mettant en scène un excellent DUJARDIN que personne n’irait soupçonner de bêtise ou d’ignorance.
Qui doit aller voir ce film ? Probablement ceux qui continuent de dire Nous et eux, et qui ont besoin qu’on leur démontre le ridicule de cette vision du monde. Iront-ils ? Pourquoi iraient-ils ? Par erreur ou pour rigoler ? Comprendront-ils s’ils vont le voir ?
A une époque ou tout le monde écrit n’importe quoi sur n’importe quel sujet (et je n’ai aucune prétention à exprimer ici une pensée nouvelle ou élevée : je n’essaye même pas !) et où les excès de mots sont désormais communs, on peut se demander si OSS 117 apporte quelque chose alors que c’est de toute évidence un film à thème sur la considération de l’autre. Situer l’action dans le passé est d’ailleurs habile puisque le trait forcé fera forcément passer l’acteur pour un ringard ayant des idées d’un autre temps, auquel personne ne voudrait ressembler.
Alors, gageons que le film peut être utile pour les mouches qui sauront tomber dans les filets par accident, et essayera d’être drôle pour ceux qui n’ont pas besoin de piqure de rappel. (je n’ai pas fait exprès, c’est arrivé comme ça, mais s’ils ont besoin du rappel, c’est qu’il leur manque la seconde injection pour entre dans la salle …).
Tout compte fait, je dois bien avouer que ma réticence de départ comporte un paradoxe : si les différence ne sont pas un obstacle, elles sont forcément un sujet d’humour comme n’importe quel autre. Pourquoi n’en ririons-nous pas ? Rire des clichés, c’est les dénoncer. Voici l’ingrédient principal et effectivement acceptable du film. Alors pourquoi ai-je cette réticence ?
Permettez-moi d’interrompre ici abruptement le sujet, entrouvert et que je ne saurais pas clore.
Dans le genre, je recommande l’excellente série « AU NOM DE LA FRANCE ».
Désolé de ne pas t’avoir convaincu. 😉
Votre critique aura du moins éveillé mon intérêt et fissuré mes a priori …
Je l’ai moins aimé que les 2 précédents