Affiche du film Joker
Dans les années 70, les affres et déconvenues d’Arthur Fleck, futur ennemi juré de Batman, plus connu sous le nom de Joker.
L’ambiance est posée dès le logo Warner des années 70, le Joker de Todd Phillips lorgne résolument vers les films noirs de ces années-là et tente de redonner ses lettres de noblesse, ainsi que sa veine sombre, à l’univers DC Comics, bien malmené depuis quelque temps, en se focalisant sur l’un des vilains les plus énigmatiques de la saga Batman : le Joker.
Un parti pris intéressant d’autant que le personnage est porté par un comédien qui ne déteste pas l’excès : Joaquin Phoenix.
Et, de fait, les origines du Very Bad Trip ayant conduit un pauvre type mal dans sa peau à devenir le fameux clown grimaçant et violent que l’on connaît sont plutôt bien mises en scène et prouvent que l’on peut réaliser, avec sérieux et dans une approche réaliste, des films ayant pour cadre le monde des super-héros sans l’ombre d’un seul à l’horizon et sans se reposer uniquement sur les effets spéciaux.
Pas de quoi crier, pour autant, au chef-d’œuvre devant la vision plutôt « aseptisée » (donc bien dans l’air du temps) de ce méchant emblématique dont le réalisateur minimise la folie furieuse en tentant de la justifier par un trauma d’enfance, une mère indigne et un monde peu compréhensif envers lui. Une mère pourtant beaucoup moins inquiétante que celle de Norman Bates dans Psychose, par exemple. Tandis que les scènes dérangeantes (la mort de la voisine) sont frileusement éludées pour ne pas écorner l’image de monstre sympathique que Todd Phillips est en train d’élaborer pour son personnage.
Même la belle idée de faire du Joker un parent de Bruce Wayne (expliquant qu’ils soient, finalement, les deux faces d’une même pièce et justifiant leur antagonisme à venir) n’est pas exploitée jusqu’au bout, balayée d’un revers de main comme s’il fallait préserver l’aura du futur justicier noir. Le tout dans une ambiance de révolte urbaine assez artificielle mais bien pratique pour conforter le futur Joker dans sa folie et ses méfaits. Dommage, car certaines scènes distillent une réelle angoisse, mâtinées d’un humour noir efficace, comme celle du nain venu rendre visite à Arthur en compagnie d’un collègue clown.
Quant à la « performance » de Joaquin Phoenix, si elle est incontestable lorsqu’il joue avec son rire nerveux et incontrôlable, elle est plus sujette à caution quand elle se base sur l’impressionnante perte de poids du comédien que le réalisateur cherche à rentabiliser à tous prix en le faisant jouer torse nu et en slip pendant un bon quart du film ! Pour le coup, ce n’est pas à l’Oscar du meilleur acteur qu’il devrait prétendre mais à celui du meilleur régime.
Finalement, ce qui frappe le plus, c’est la participation de Robert De Niro à ce film tant son visage est presque méconnaissable. Des restes de sa transformation numérique dans The Irishman de Scorsese ?
Merci, en tous cas, à Todd Phillips de montrer à la Warner la voie à suivre pour les prochains longs métrages inspirés des DC Comics, même si son film est loin de faire oublier la meilleure et la plus folle incarnation du Joker à l’écran à ce jour, celle d’Heath Ledger dans The Dark Knight.