Affiche du film Le jouet

Le président Pierre Rambal-Cochet dirige ses sociétés d’une poigne de fer et se conduit en véritable tyran avec ses employés. Insensible et sans scrupule, le milliardaire n’a de tendresse que pour son fils, Éric, à qui il passe le moindre caprice. Mais lorsque le jeune garçon décide de s’offrir comme nouveau jouet un journaliste travaillant pour son père, la « grande famille » du journal et celle, plus intime, du président commencent sérieusement à se fissurer…

Première réalisation de Francis Veber et première association avec Pierre Richard (que le réalisateur allait ensuite retrouver pour la trilogie à succès: La chèvre, Les compères et Les fugitifs avec Gérard Depardieu), Le jouet est un régal de divertissement qui ne s’est absolument pas démodé.
Bien au contraire !
Comédie visionnaire, le scénario aborde des thèmes qui sont toujours d’actualité, 36 ans après sa réalisation : de la tyrannie de l’enfant roi au paternalisme condescendant de certains capitaines d’industrie envers leurs employés : « Je me suis efforcé de faire en sorte que ce journal soit une grande famille » annonce fièrement le président Rambal-Cochet avant de virer un de ses salariés parce qu’il a les mains moites.
Véritable mécanique comique de précisions, le film enchaîne les scènes d’anthologie : de l’achat express d’une gentilhommière encore occupée par ses propriétaires à la mise à sac – par l’enfant et son « jouet » – d’une garden-party. Le saccage et la longue agonie à la trompette de François Perrin ne sont pas, d’ailleurs, sans rappeler certains passages de La party de Blake Edwards.
Et que dire de la réjouissante façon qu’à Francis Veber d’adapter en image des expressions comme « tirer la couverture à soi » ou « mettre dans le mille » ? Sans parler de ses dialogues d’une redoutable justesse :
– On achète un de vos journalistes comme un jouet et vous trouvez ça normal ?
– Il y a à peu près deux mille demandeurs d’emploi dans la presse. C’est tout ce que je peux vous répondre, mon petit vieux.
Renouant pour la quatrième fois avec son personnage de François Perrin, Pierre Richard trouve là un de ses meilleurs rôles en abordant, cette fois, son alter ego d’une manière plus sensible. Loin de ses rôles de gaffeur lunaire qui ont fait son succès, il incarne avec justesse cet homme pris au piège qui devient hors de contrôle n’ayant plus rien à perdre. Francis Veber en profite pour réactualiser, au passage, le concept de fou du roi adapté aux chefs d’entreprise : « Quand j’étais salarié, monsieur le président, je n’avais qu’un droit celui de me taire. Et d’avoir peur. Maintenant, je ne suis plus salarié, je ne suis plus rien du tout, je suis un jouet. Alors je peux parler. »
Face à lui, Michel Bouquet est impérial en homme d’affaires sans cœur qui accède sans broncher à toutes les lubies de son fils. Les mains dans le dos, la démarche raide et le regard acéré, il offre une prestation remarquablement ambiguë : détestable et pathétique à la fois.
Le reste de la distribution, du jeune Fabrice Greco (dont ce fut le seul rôle) à Daniel Ceccaldi en passant par Charles Gérard ou l’onctueux Jacques François, est à l’unisson des deux acteurs principaux.
Parfaitement écrite, dialoguée et mise en scène, cette fine satire sociale est un modèle du genre. Petite perle de comédie que vient rehausser la jolie mélodie composée pour l’occasion par Vladimir Cosma.