Après neuf ans de prison, l’Anglais atterrit à Los Angeles avec une seule idée en tête : venger sa fille morte dans d’étranges circonstances.

Film méconnu de Steven Soderbergh, L’Anglais est pourtant le point de bascule entre sa période expérimentale et celle, plus grand public, qui allait débuter avec son projet suivant : Erin Brockovich.
Hommage aux polars des années 60/70 (les présences emblématiques de Terence Stamp et de Peter Fonda, véritables icônes du cinéma de cette époque, n’ont rien d’un hasard) ainsi qu’aux films de vengeance (le point de départ du scénario fait penser à celui de La loi du milieu de Mike Hodges) le cinéaste reprend les codes du film noir pour mieux les détourner.
Mais L’anglais trouve surtout sa raison d’être, sa particularité et son salut dans des choix de mise en scène audacieux (une tuerie, dans un entrepôt, filmée hors-champ) et grâce à un montage aussi étonnant que singulier. Déçu par une première version trop linéaire, le réalisateur de Sexe, mensonges et vidéo a entièrement recomposé son film au montage. Avec ses dialogues désynchronisés par rapport à l’image, sa présentation de certains personnages à rebours et le mélange, au sein d’une même séquence, de rêveries, de fantasmes et de flash-back, le cinéaste fragmente en permanence la temporalité de son récit et finit par composer une sorte de puzzle visuel et sonore qui réussit l’exploit de toujours faire progresser l’intrigue. Procédé qu’il réutilisera de façon beaucoup plus ludique dans Ocean’s Eleven.

A ce brillant travail de montage, Soderbergh adjoint des extraits du premier film de Ken Loach : Pas de larmes pour Joy (1967), qui avait déjà pour vedette Terence Stamp. Une idée fascinante qui donne à voir la jeunesse de son Anglais dans un troublant numéro de « véritable » retour en arrière. Car, plus qu’à un polar noir, c’est à un film sur la nostalgie que le cinéaste nous convie, parvenant à composer un récit aussi fluctuant et incertain que la mémoire grâce à ses différentes trouvailles de montage.
Le final, aussi déchirant que surprenant, n’a rien perdu de sa force plus de 20 ans après sa réalisation et impose définitivement L’Anglais comme un maillon aussi personnel qu’essentiel dans la riche filmographie de Soderbergh.

Sorti en janvier dernier en 4K, Blu-ray et DVD, L’Anglais retrouve des couleurs grâce à un nouveau master Haute Définition proposé par L’atelier d’images. Une très belle copie dotée d’un son irréprochable qui met parfaitement en valeur les dialogues et la superbe musique de Cliff Martinez.
Si cette nouvelle édition n’offre pas, hélas, de sous-titres français pour les deux commentaires audio présents, elle peut s’enorgueillir d’une interview instructive et sans langue de bois de Steven Soderbergh qui revient sur la genèse et le tournage du film.
Un intéressant entretien avec Philippe Guedj, des interviews d’époque, une bande-annonce et des spots TV complètent idéalement la partie bonus de cette nouvelle édition, parfait écrin pour un film qu’il faut absolument (re)découvrir.