Affiche du film Litan La cité des spectres verts
Comme chaque année dans cette petite cité de montagne noyée dans la brume, Litan fête ses morts au travers d’un lugubre carnaval. Effrayée par un affreux cauchemar, Nora décide d’aller rejoindre son petit ami géologue aux roches noires. Tandis qu’elle traverse la ville, les habitants commencent à avoir des comportements de plus en plus inquiétants…
Deuxième incursion de Jean-Pierre Mocky dans une cité fantastique, après l’excellente adaptation en 1964 d’un roman de Jean Ray : La cité de l’indicible peur avec Bourvil et Jean Poiret, Litan : La cité des spectres verts ressemble à un cauchemar éveillé et prouve qu’une autre alternative (française, voire européenne) est possible face à la prédominance du fantastique anglo-saxon. Nul besoin d’aller aux USA pour trouver des décors inquiétants. C’est en Ardèche, plus précisément à Annonay, que le cinéaste a déniché l’endroit idéal pour poser sa caméra et développer son histoire de revenants. Un endroit qu’il parvient à rendre menaçant dès les premières minutes de son film grâce à des cadrages originaux, une bonne dose de brume et l’utilisation astucieuse des décors naturels mis à sa disposition (usine, bâtisses à l’abandon, forêt, grotte) auxquels il donne un rendu labyrinthique. Un dédale dont les personnages, en perpétuels mouvements, ne parviennent pas à s’extraire.
Le cinéma de Mocky a de la gueule que ce soit dans le choix de ses comédiens à trognes ou dans son aisance à installer des ambiances bizarroïdes en quelques plans.
Dommage que le réalisateur ne sache pas tenir de bout en bout les promesses d’un scénario qui devient très rapidement incompréhensible, d’autant qu’il le parasite de ses petites marottes. Ses habituels coups de gueule contre les notables (maire, inspecteur, médecin) ou contre certaines institutions. Les « cons » de scouts en prennent ici pour leur grade.
Une désinvolture qui nuit grandement au film, d’autant que le cinéaste n’a pas à sa disposition les Bourvil, Blanche, Poiret et Serrault dont la folie, et le génie comique, s’accordait bien à la sienne. Hormis Marie-Josée Nat qui parvient à donner le change et se dépense sans compter, la plupart des acteurs jouent comme des pieds ce qui plombe irrémédiablement Litan, tout en participant aussi à son indéniable étrangeté.
Mocky n’en est pas à un paradoxe prêt et rien que pour cette originalité, qui fait souvent cruellement défaut au cinéma français, cette Cité des spectres verts mérite qu’on s’y égare.