1927. Hollywood.
George Valentin est la star en vogue du cinéma muet. Un brin égocentrique, il ne prête attention à personne, si ce n’est à ses fans et à son petit chien qui l’accompagne dans tous ses films.
Mais avec l’arrivée des premières productions parlantes, toutes ses certitudes vont être remises en cause. Saura-t-il faire face à ce changement inexorable ? Et saura-t-il voir l’amour que lui porte Peppy Miller, une jeune figurante dont la carrière va prendre un essor fulgurant grâce à l’arrivée du son ?
Après deux OSS 117, parodies des films d’espionnage des années 50 et 60, le tandem Michel Hazanavicius et Jean Dujardin se reforme pour un hommage respectueux au cinéma muet. Il n’est pas question de se moquer, ni de s’amuser avec un genre comme l’a (plutôt mal) fait en début d’année Les aventures de Philibert, capitaine puceau de Sylvain Fusée avec les films de cape et d’épée. Au contraire, Michel Hazanavicius semble avoir mis un point d’honneur à redonner vie à un cinéma disparu. Tout est d’ailleurs fait pour donner l’impression que The Artist a été tourné il y a plus de 80 ans et rien ne semble avoir été oublié : du format 4/3 de l’image, aux dialogues écrits sur des cartons, en passant par les costumes, les décors et le jeu très appuyé des acteurs.
Saluons, au passage, le magnifique travail du directeur de la photographie, Guillaume Schiffman, qui compose pour l’occasion de somptueuses images en noir et blanc. Son travail sur les ombres dans la seconde partie du film apporte un indéniable relief à l’ambiance plus sombre du récit.
Plan après plan, le cinéaste s’évertue à retrouver la manière idéale de retranscrire – par la mise en scène et la gestuelle des acteurs – toute une gamme d’émotions allant du rire aux larmes. Cependant, trop occuper à soigner chacune de ses scènes, Michel Hazanavicius atteint les limites de son exercice de style et oublie de développer un scénario réellement original. Ni film burlesque, ni film dramatique, The Artist semble rechigner à pencher d’un côté ou de l’autre préférant jouer l’équilibriste. Hélas, n’est pas Chaplin qui veut. On rit, certes, mais peu… Et quand le film prend une tournure dramatique, il peine bizarrement à émouvoir.
Heureusement que les acteurs assurent le spectacle. De James Cromwell à Missi Pyle et de Penelope Ann Miller à John Goodman (plus vrai que nature en producteur à gros cigares), tous les seconds rôles américains sont au diapason de l’excellente prestation du couple français vedette.
Avec son physique à la Douglas Fairbanks – dont le réalisateur détourne certains des films – Jean Dujardin impressionne. Il donne à son personnage une vraie épaisseur et une belle énergie qui explose dans deux jolies scènes de claquettes. Aussi à l’aise dans l’humour que dans l’émotion, il n’a pas volé son prix d’interprétation à Cannes. Face à lui, Bérénice Bejo livre une performance étonnante et pleine de justesse. Tour à tour, pétillante, émouvante et charmeuse, elle illumine The Artist de ses œillades canailles. Véritable révélation, elle est l’atout majeur de ce film atypique qui est un indéniable tour de force cinématographique à défaut d’être une totale réussite.
Dommage que l’idée de faire un film muet ait supplanté un scénario plus conséquent. On commence par voir « Chantons sous la pluie » pour terminer avec une fin angoissante sous une musique reprise de « Vertigo » (ou « Pas de Printemps pour Marnie », je ne sais plus). Si on peut saluer la performance de la mise en scène et des acteurs, le résultat final est bien ennuyeux.