
Un soir, sur une île. Un homme débarque inopinément chez un couple de châtelain habitant un fortin en bord de mer. Tandis qu’à la télé les candidats à l’élection présidentielle de 1969 se succèdent hardiment, les trois convives se lancent dans une suite de discussions aussi imbitables que concupiscentes.
« Ceci est triste, ceci est grave. » répète le visiteur qui vient de débiter, aux pauvres philistins que nous sommes, un long monologue sur l’autocensure où il dévoile les méandres de sa pensée soi-disant libérée et non consensuelle.
C’est que José Bénazéraf, dont la prose est l’égale (comme il se plaît le souligner dans un carton qui clôture le film) de celles de Shakespeare, Baudelaire et Albert Camus (ainsi que des ordonnances de mon médecin spécialiste des chevilles qui enflent) se pique de faire dans le film « d’hot-eur ».
Face à ce Jean-Luc Grodard du film intello chiant, même Rohmer et Bresson (les Yonger et Bresson du film abscons) passeront, indubitablement, pour de joyeux éjaculateurs précoces de l’image et du verbe. Car, ici, le cinéaste tente de faire converger pensées de haute volée (« Ce refus de l’aliénation du monde, cela m’a permis d’être moi, de me parler à loisir. D’avoir des rêves en dehors du circuit de la production des rêves. ») et images fantasmagoriques colorées où des bourgeoises, pas encore végé mais déjà sans vergeture, s’enveloppent dans des capes, subissent la caresse d’un fouet ou tentent de s’épiler le derme en se roulant à oilpé dans le sable immaculé.

Tandis que les scènes d’un interminable repas au château (Eh, tu l’as vu mon gros dîner ?) alternent avec de longues séquences sur le littoral des îles Chausey où Bénazéraf semble, sans cesse, nous interpeller : « Eh, tu l’as vu mon gros rocher ? ».
Cette masturbation cinématographilosophique de comptoir trouve rapidement ses limites avec son discours qui n’a plus cours.
Les provocations gratuites d’une bande de danseurs hippies contre des spectateurs en tenues de soirée sont, d’ailleurs, particulièrement affligeantes :
– La télévision c’est con ! T’as la télé, toi ?
– Et Mireille Mathieu, tu aimes ? Tu aimes ? Je suis sûr que tu aimes Mireille Mathieu.
– J’suis sûr que t’as un compte en Suisse, toi. La dévaluation, la dévaluation…
– Tu jouis, toi ? Et toi ? Et toi ? Et toi ? Et vous tous… Vous jouissez ?
– On achète tout avec du fric, même du fric. Tu pues le fric, toi. Et baiser, bouger, crier. Tu sais ce que c’est toi ? Tu sais ce que c’est vraiment de prendre une femme ?
– Je suis sûr qu’il a une maison de campagne !
Un courant libertaire qui semble aussi pompeux que les discours des hommes politiques dont les programmes s’égrènent à la télé pendant une bonne partie du film.
« Je désire tout le monde, je trouve tout le monde beau… Même vous. » finira par déclarer, d’un ton grandiloquent, le visiteur à ses hôtes. On aurait bien aimé pouvoir en dire autant de ce nanar indigeste.
🤣🤣🤣🤣
😡 pour Rohmer…. mais tu m’avais prévenu le choc a été moins rude. Tu es à moitié pardonné.
Bravo pour ton texte. 🙂
Je me souviens avoir découvert Bénazéraf par des chemins détournés. Lors d’une rétrospective, son « oeuvre » avait été encensée par les Cahiers, les Inrocks, Libé… et la découverte d’un ou deux films du gars m’avait laissé assez froid, c’est le moins qu’on puisse dire.
Merci Nico ;). En effet, ce film est une vraie débandade. 😀
Je sens que ça converge en effet, on dirait du Robbe complètement Grillet.
En tout cas, ça donne une critique qu’on prend plaisir à lire.
Merci Princecranoir. 😉
Bref, LE DÉSIRABLE ET LE SUBLIME, en 69, qui plus est, ne serait ni désirable ni sublime …
Quel désillusion !
Heureusement, il nous reste la désirable autant que sublime critique de Marcorèle !