Prenez un restaurant gastronomique sur une île isolée.
Choisissez avec soin quelques prestigieux invités.
Ajoutez un personnel aussi discipliné que rancunier.
Agrémentez d’un chef réputé mais mal embouché.
Assaisonnez le tout de répliques fort bien ciselées.
Mélangez.
Et vous obtenez un Menu croustillant qui monte en saveur à mesure que Mark Mylod aromatise, hache, concasse, dégorge, lamine et flambe ses prestigieux invités dans un jeu de massacre joyeusement saignant. Une façon de rentrer dans le lard des puissants qui n’est pas sans rappeler celle orchestrée par Ruben Östlund dans Sans filtre. Sauf qu’ici le cinéaste veille au grain pour que sa préparation ne tourne pas en eau de boudin et que chacun puisse se fendre la poire à voir les protagonistes se voler dans les plumes. Avec sa distribution aux petits oignons, ses chapitres mordants égrenés comme des plats gourmands, ses dialogues qui passent à la moulinette le jargon de cuisine stéréotypé des émissions de télé ainsi que la novlangue des œnologues et des critiques gastronomiques, Le Menu s’impose comme un thriller culinaire de bonne tenue. Même si, à bien y regarder, la critique sociale (du lard – ou de l’art – donné à des cochons) reste aussi superficielle que les convives dont on ne sait finalement que peu de choses.
Pas de quoi bouder pour autant son plaisir devant cette satire de la haute gastronomie qui fait, hélas, le choix de conclure son propos radical de façon très américaine. Une faute de goût qui reste sur l’estomac puisqu’elle vante les mérites de la malbouffe. Triste remontée acide après ce Menu si savoureux.