Affiche du documentaire La cravate
Bastien, 20 ans, jeune militant d’extrême droite, revient sur son passé trouble ainsi que sur son engagement au sein du Front national pendant les élections présidentielles de 2017.
Le documentaire de Mathias Théry et Étienne Chaillou ne manque pas d’intérêt dans sa volonté de capter la recherche de respectabilité d’un parti – qui tente, par tous les moyens, d’accéder au pouvoir – à travers le parcours d’un de ses militants qui met en lumière le décalage entre les pontes du parti et les petites mains sur le terrain. Malheureusement, le dispositif mis en place pour illustrer le propos manque terriblement de naturel et finit par agacer dans sa manière de scénariser la vie de Bastien tout en y portant, l’air de rien, un jugement critique un brin condescendant. On est loin des documentaires dans la mouvance de l’émission Strip-tease, dont Ni juge, ni soumise (2017) est un parfait exemple, où l’on fait confiance à l’intelligence du spectateur pour qu’il se forge sa propre opinion. Ici, la voix off monopolise l’attention, surligne et interprète tout ce qui se passe à l’écran pour finir, comble du ridicule, par se mettre en scène, sans finesse, dans un montage en surimpression où la bouche d’un des deux réalisateurs semble parler à l’oreille de Bastien.
A force de jouer la carte du romanesque (on présente au jeune militant son parcours sous la forme d’un roman) et de remplacer les dialogues (souvent muets, à la demande des protagonistes ?) par des commentaires censés nous expliquer les pensées de son personnage principal, le documentaire finit par prendre des allures de mauvais roman-photo politique au lieu de chercher, tout simplement, à rendre compte du moment. Dommage car, quand la voix off se tait enfin, le film parvient à interpeller, comme dans cette séquence de l’entre deux tours où Marine Le Pen et Emmanuel Macron se succèdent sur le site de l’usine Whirlpool à Amiens et où les réalisateurs réussissent à saisir tout le travail de manipulation effectué par les militants auprès des grévistes et des médias pour faciliter la venue de leur candidat. Trop tard, car à trop se la raconter, La cravate donne surtout la sensation d’être mal ajustée à son propos.