Affiche du film Scaramouche

Pour venger la mort de son meilleur ami, tué en duel par le redoutable marquis de Maynes, André Moreau décide de se former à l’art de l’escrime tout en se cachant parmi une troupe de comédiens où il dissimule son identité derrière le masque d’un personnage de la commedia dell’arte : Scaramouche.

Grâce à son duel à l’épée de plus de six minutes – considéré comme le plus long de l’histoire du cinéma – Scaramouche est devenu le fleuron du film de cape et d’épée. Une réputation méritée tant le film est représentatif de l’âge d’or hollywoodien des années 40/50 où l’on savait réunir les plus grands talents au service de films fastueux et spectaculaires.
Cinéaste plutôt spécialisé dans les comédies musicales, George Sidney est un choix artistique déterminant puisqu’il va mettre en scène les différents duels qui ponctuent le film à la manière de numéros de danse. Il faut dire que le cinéaste avait pu affûter ses armes et sa technique dès 1948 sur Les trois mousquetaires où il avait eu la bonne idée de faire jouer à Gene Kelly, l’inoubliable interprète de Chantons sous la pluie, le bondissant d’Artagnan.
C’est sans doute grâce à cette expérience, qu’il engage un ancien danseur, Mel Ferrer, pour incarner le marquis de Mayne et, pour jouer André Moreau, un acteur anglais (formé à l’escrime et à l’équitation) qui démarrait depuis peu une carrière à Hollywood. Après Douglas Fairbanks et Errol Flynn, Stewart Granger allait devenir grâce à ce film l’un des plus grands bretteurs de l’histoire du cinéma.
Fort de ces deux comédiens, qui réalisent presque toutes leurs cascades, George Sidney élabore ses différents combats à l’épée comme des ballets.
Des chorégraphies qu’il magnifie grâce à de nombreuses inventions de mise en scène – les fougères qu’un des duellistes coupe pour dégager sa vue – et l’utilisation systématique de plans larges à l’intérieur desquelles se déroulent des affrontements fluides et graphiques.

Photo de l'affrontement entre de Maynes et Moreau

(Rien à voir avec la mode actuelle des caméras secouées et des montages épileptiques en plans serrés censés donner de l’énergie aux films d’actions mais qui sont généralement là pour dissimuler le manque de préparation des comédiens ou de la mise en scène).
Ces duels spectaculaires, et d’une grande lisibilité pour le spectateur, sont habilement contrebalancés par un récit beaucoup plus ambigu.
Le réalisateur n’hésite pas à mélanger les genres et passe du drame à la comédie avec un goût certain pour les ruptures de ton, tandis que le scénario joue astucieusement sur les apparences et les faux semblants qui sont aussi la marque du théâtre. Or c’est précisément là qu’André Moreau trouve refuge, instaurant une subtile mise en abyme qui le montre en train de rejouer sur scène des moments de sa vie. C’est également dans un théâtre que va se dérouler la dernière confrontation entre les deux adversaires, devant un parterre de spectateurs médusés.

Photo du duel final dans le théâtre

Les comédiens participent pleinement à l’ambiguïté qui parcourt tout le film.
Mel Ferrer campe un méchant plein de charme tandis que Stewart Granger compose un André Moreau bien trouble, entre séduction et désenchantement.
Face à eux, Eleanor Parker et Janet Leigh, chacune dans leur style, ne manquent pas de caractère et apportent une véritable touche de modernité à leur personnage.

Photo Eleanor Parker et Janet Leigh

Des femmes qui mènent la danse depuis les coulisses et n’ont rien des potiches souvent associées à ce genre de productions.
Autant de qualités qui font de ce film chatoyant un chef-d’œuvre indémodable.
Aussi fin et virtuose dans sa psychologie que dans ses combats, Scaramouche donne tout son sens au terme « panache » !