À deux, c’est mieux. Et c’est surtout plus amusant. C’est ce qu’on s’est dit avec Polinacide pour notre première collaboration « ciné », inaugurée avec le très attendu Cinquante nuances de Grey. Histoire de marquer le « coup », quoi.

Affiche du film 50 nuances de GreyÉnorme…
C’est à une queue énorme que le critique, toujours prêt à recevoir une bonne claque cinématographique, s’était préparé en arrivant au cinéma.
Prêt à être acculé devant la caisse par une horde de ménagères de, plus ou moins, 50 ans (tout est dans la nuance) avides de découvrir l’adaptation sur grand écran du roman à succès de E.L. James.
Mais, comme souvent après un bon fantasme, la réalité a le don malicieux de faire retomber la pression. Pas de queue devant le cinéma et cinq personnes dans la salle. Votre serviteur, deux adolescentes et deux mamies.
Les premières suivirent le film tout en regardant les messages sur leur portable, les secondes en commentant l’action comme devant la télé.
Voilà pour l’ambiance torride.
Quant à votre serviteur, il se demandait s’il allait appliquer le « lâcher prise » recommandé par l’affiche ou démonter hardiment cette rencontre entre Anastasia, jeune oie blanche adepte de littérature et de culottes en coton, et Christian, petit branluchon arrogant qui, comme les schtroumpfs, n’a dans sa garde-robe qu’un seul type de tenue : costume sombre et chemise blanche qu’il agrémente de cravates (de notaire ?) aux différentes nuances de gris.
Affiches cravate et mordillage de lèvres
Une cravate qui semble être le symbole de la virilité de cet ambitieux chef d’entreprise pour qui prendre son pied consiste à faire des nœuds dedans afin d’attacher ses partenaires de jeu, que l’on imagine consentante même si le film n’est pas en odorama.
De son côté, la jeune étudiante en lettres passe son temps à se mordiller le coin de la lèvre inférieure, signe d’une intense excitation contenue ou d’un herpès labial particulièrement irritant.
Rendons grâce à la réalisatrice qui, dès les premiers plans, nous fait « subtilement » rentrer dans l’ambiance grâce à une vue aérienne sur de gros nuages gris d’aspects spermatiques.
S’en suit l’arrivée de l’héroïne qui laisse échapper un « Waow » d’admiration devant le building Grey qui se dresse fièrement devant ses yeux.
Puis un rencontre plus que tendue avec son bel Apollon, qui la laissera toute mouillée sur le trottoir (il pleut, qu’allez-vous donc imaginer ?).
Photo d'Anastasia suçotant sensuellement son crayon
Notre héroïne (à laquelle Dakota Johnson – fille de Don Johnson et de Melanie Griffith – prête son joli minois et ses petits gloussements) n’a alors plus qu’une envie : aller suivre distraitement ses cours de littérature en suçotant sensuellement un long crayon rigide avec Grey marqué dessus.
Il faut la comprendre, Christian est interprété par l’insipide Jamie Dornan : une des anciennes égéries de Calvin Klein. C’est sans doute pourquoi il vit dans un grand loft façon « Carte Noire », raffole des balades en forêt idéales pour promouvoir les vestes en cuir et adore s’envoyer en l’air dans des hélicoptères intérieur cuir ou des planeurs aux allures de spermatozoïdes.
Vous noterez, au passage, qu’avant qu’il ne croque la pomme, Christian offre un Mac à sa dulcinée pour des échanges en ligne… hmmmmm, très coquins !
De là à dire que 50 nuances de Grey fait aussi dans le placement de produits…
Et les scènes de sexe ?
Peu nombreuses, elles sont aussi excitantes que des pubs pour gels douche, la réalisatrice se bornant à filmer les fesses de ses deux gravures de mode tout en s’ingéniant à dissimuler leur sexe. Mention spéciale pour la première séance de bondage au son de chœurs angéliques. Sans doute pour mieux faire ressentir l’extase de la soumise et nous faire agréablement patienter en attendant l’arrivée du petit Jésus… dont les miracles supposés resteront invisibles, désolé mesdames !
Vous l’aurez compris, 50 nuances de Grey est aux films érotiques, ce que Twilight est aux films de vampires : une niaiserie romantique pour midinettes, vaguement pimentée de poncifs sexuels éculés.
Les spectateurs ont de quoi faire grise mine car, à trop cravacher pour édulcorer ses petites sauteries, Sam Taylor-Johnson manque de doigté dans le choix de ses nuances.
Un coup pour rien !