Affiche du film Opération peur
A la demande d’un inspecteur de police, un médecin se rend dans un petit village isolé pour autopsier le corps d’une femme qui semble s’être suicidée. Sur place, il découvre des habitants terrorisés en proie à une terrible malédiction.
Qui rôde dans les ruelles la nuit et quel lourd secret cache l’inquiétante villa de la Baronne Graps ?
Sous l’apparent classicisme de son scénario, Opération peur offre une intéressante réflexion sur les techniques de la peur au cinéma.
Mario Bava travaille tout particulièrement l’atmosphère de chacune de ses scènes et joue sur les ombres et les clairs-obscurs d’une intrigue qui se déroule le temps d’une nuit.
Le travail sur l’image et le cadre est particulièrement impressionnant. Le cinéaste fait naître la peur d’un brusque zoom à l’intérieur d’un cimetière embrumé ou d’un mouvement de caméra circulaire dans un escalier en colimaçon. Surtout, il privilégie les plans larges aux plans serrés inhérents à ce genre de production : le malaise surgit alors, au détour d’un couloir, de l’apparition d’une fillette qui a le don d’ubiquité ou de la course d’un ballon qui rebondit tout seul dans les grandes salles désertes de la vieille demeure.
Une façon de filmer le surnaturel dont se resservira (s’inspirera ?) Stanley Kubrick dans Shining.
De fait, les décors ont une place prépondérante dans la création de l’angoisse, du village désert avec ses ruelles biscornues au grand parc dominé par l’inquiétante villa délabrée. Quant aux intérieurs- l’antre de la sorcière, la crypte, les salles poussiéreuses du manoir – ils dénotent le goût prononcé du cinéaste pour le baroque et ses excès.
Un excès que l’on retrouve jusque dans le choix des comédiens dont le jeu frise parfois l’amateurisme et ajoute au malaise ambiant. Mario Bava en joue et s’en amuse puisque pour incarner l’inquiétante fillette qui terrorise les villageois le cinéaste à la bonne idée de faire jouer un petit garçon affublé d’une perruque blonde. Le trouble que procure chacune de ses apparitions n’en est que plus grand.
Rythmé par sa ritournelle entêtante et ponctué d’effets sonores qui donnent le frisson (le bruit du vent, le rire de la petite fille qui résonne en tous lieux…), Opération peur déploie aussi son charme vénéneux grâce à des scènes d’une indéniable poésie fantastique comme ces quatre silhouettes portant un cercueil au clair de lune ou cette fascinante course poursuite en forme de mise en abyme dont Richard LaGravenese a récemment donné une variation dans son Sublimes créatures.
Mario Bava y montre toute sa palette de maître de l’épouvante où les ambiances cauchemardesques et l’inventivité priment sur l’horreur facile à base de gore et de sursauts préfabriqués. Des leçons qui ont fasciné plusieurs générations de cinéastes de Dario Argento à Tim Burton et qu’il serait bon de remettre au goût du jour, histoire de vraiment renouer avec la peur au cinéma.