Affiche de Ce soir ou jamais
Laurent, jeune metteur en scène, réunit le temps d’une soirée l’équipe de son prochain spectacle.
Apprenant que la comédienne principale ne pourra participer à sa comédie musicale, il décide de lui trouver sur-le-champ une remplaçante, avec l’aide de ses amis.
A-t-il oublié Valérie qui tient l’un des seconds rôles et qu’il cherche pourtant à séduire ?
La jeune femme veut en avoir le cœur net et va tout mettre en œuvre pour obtenir le rôle.
Pour elle, c’est ce soir ou jamais…
Réalisateur à part dans la production française, Michel Deville s’est tout de suite différencié des cinéastes de son époque, ceux de la Nouvelle Vague, en affirmant un style très personnel. Sa mise en scène alerte, précise et raffinée, s’accordant parfaitement à l’art des dialogues de sa scénariste Nina Companeez.
Dès l’ouverture de son premier film, Michel Deville affiche sa singularité en remplaçant la musique du générique par une voix de femme fredonnant un petit air. Puis, dans un même mouvement de caméra, on découvre cette femme en train de pleurer, puis d’essuyer ses larmes devant un miroir avant de revenir à la table où… elle épluchait des oignons.
Avec cette première scène, Ce soir ou jamais porte déjà en germe ce que sera le cinéma de Deville, un cinéma du jeu où sont étroitement liées légèreté et gravité.
Une lucidité ludique qui se retrouve dans les brillantes répliques de Nina Companeez (« Tu as du temps à perdre ou plutôt tu ne perds pas de temps ! » dit Valérie à sa meilleur amie qui cherche, elle aussi, à séduire le metteur en scène) autant que dans la chorégraphie mise en place par le cinéaste pour dévoiler le jeu de dupes qui s’installe progressivement entre Laurent, Valérie et leurs compagnons de soirée. Par de rapides panoramiques, la caméra de Deville passe habilement d’un personnage à l’autre, saisissant avec acuité, au milieu de la cacophonie ambiante, le jeu discret des regards et des baisers. Dans cette volonté de s’amuser avec les sentiments, on peut voir les prémisses de ce que seront les futurs marivaudages élaborés par le tandem Deville/Companeez où les personnages parlent et racontent plus qu’ils n’agissent. Gardant leurs sentiments pour eux-mêmes ou ne les dévoilant que devant des miroirs, objet cher au cinéaste, tout à la fois reflet de leurs émotions et partenaires de leur jeu.
La qualité de l’interprétation – une constante chez Deville – de Claude Rich à Anna Karina conforte le charme de l’ensemble. Et si, pour ses débuts cinématographiques, Guy Bedos ne convainc pas vraiment, l’abattage de Françoise Dorléac, le temps d’une courte scène, sidère littéralement.
Toutefois, en réalisant un film sur une soirée où il ne se passe quasiment rien, le cinéaste atteint très rapidement les limites de son projet qui finit par s’apparenter à un exercice de style parfaitement maîtrisé mais un brin futile.
Sous ses allures de théâtre filmé (l’intrigue y respecte l’unité de lieu, de temps et d’action), Ce soir ou jamais ouvre pourtant la voie à une constante que l’on retrouvera régulièrement dans l’œuvre de Michel Deville du Paltoquet à Nuit d’été en ville : celle de son attrait pour le théâtre, ses dialogues ciselés et ses intrigues en huis clos avec, comme aboutissement, Un fil à la patte, son dernier film, transposition cinématographique réussie de la pièce de Georges Feydeau.
La boucle est bouclée…

Voir ici la belle performance de Françoise Dorléac.