Cette critique est à lire en chuchotant, sur un ton inspiré.

Brother Terrence,
Où êtes-vous ?
M’entendez-vous ? Je sais que vous êtes là !
Que vous me regardez !
Vous êtes dans toutes choses et je sens votre esprit planer au-dessus de mon clavier.
De La balade sauvage au Nouveau monde
A chaque film que vous réalisiez, je vous sentais tenté par l’abandon…
L’abandon du scénario au profit d’images majestueuses et grandioses.
Oh Lord ! Vous lui avez permis, cette fois, d’exaucer son vœu.
Ici, plus vraiment d’histoire.
Juste une trame tournant autour des drames et conséquences d’une éducation puritaine sous la férule d’un père réactionnaire.
L’idée devant vous sembler un peu courte, vous nous refaites alors l’histoire de la Terre.
Avec, peut-être, l’envie folle de livrer au monde une somme cinématographique en même temps qu’une épure.
Vous vous rêviez, sans doute, en Kubrick de l’espèce humaine et de son Odyssée.
La création de l’univers, de la terre…
La naissance de la vie, les dinosaures : tout y passe !
Au son de La Moldau.
Oh, Mother !
Pas une cime d’arbre que vous ne filmiez !
Pas un plan sans la présence du soleil.
Qu’il brille dans l’espace ou dans le ciel.
Qu’il miroite sur un mur ou se trouble à la surface de l’eau.
Pas un désert, pas une plage à marée basse qui ne vous échappe.
Pas une main qui ne caresse les herbes hautes (Vous rêviez-vous aussi Gladiator du spirituel ?)
Pas une feuille, pas une plante, pas un bout d’herbe qui ne soit capté avec une grande délicatesse.
Pendant la première heure, on croirait presque assister à un documentaire du National Geographic.
Mais à trop vous regarder filmer, Brother, votre imaginaire spirituel nimbé de lumière devient chichiteux.
Ce n’est plus à Kubrick que vous nous faites alors penser mais à David Hamilton.
Father !
Où est partie votre grâce ?
Certainement pas dans les aphorismes qui parsèment le film.
Pas une réplique qui ne soit dite sur un ton affecté.
Des sentences d’un creux sidéral, frisant le lieu commun cosmique.
« Guide nous jusqu’à la fin des temps » murmure Sean Penn.
Ô Terrence, nous ne t’en demandons pas tant.
Alors que dans la salle, le spectateur, lui, n’a plus qu’une envie : que tu le guides jusqu’à la sortie.
Prenez garde, my Lord !
A trop pousser vos expérimentation, vous risquez de terminer votre carrière dans l’univers aseptisé de la publicité.
Celle des produits laitiers, dernier refuge des sensations puuuuures !