Décembre 2012. Maureen Kearney, syndicaliste chez Areva, est agressée et violée à son domicile. Travaillant sur un dossier sensible dans le secteur du nucléaire français, elle subissait, depuis plusieurs mois, des menaces et de violentes pressions politiques. Mais face à des agresseurs insaisissables, les enquêteurs commencent à douter… Est-elle une victime ou une simple affabulatrice, coupable de dénonciation mensongère ?

Il ne fait pas bon être un lanceur d’alerte, en France comme ailleurs.
Mais il fait encore moins bon être une lanceuse d’alerte.
Il est rare aussi qu’en France un cinéaste aborde une affaire, se situant dans les hautes sphères du pouvoir, alors que presque tous les protagonistes sont encore vivants.
C’est ce que montre, avec une indéniable habileté, et démontre, avec un certain courage, Jean-Paul Salomé qui signe ici son meilleur film. Un thriller engagé d’autant plus glaçant qu’il se base sur une histoire vraie. Des faits que le cinéaste à la bonne idée de questionner, voire de mettre en doute, histoire de mieux imposer, in fine, sa vérité.
À travers le calvaire d’une femme courageuse subissant les pressions et les attaques de voyous en cols blancs, le cinéaste remet en lumière un scandale d’État vite passé sous le tapis et dénonce les manœuvres de quelques puissants (politiques et industriels) qui bradent les intérêts de leur pays à des fins personnelles. Il interroge aussi la place de la femme dans une société aux mains de machos attachés à leurs privilèges, sans toutefois sombrer, et c’est là la grande force de La syndicaliste, dans une forme de représentation binaire et réductrice des rapports hommes-femmes. Anne Lauvergeon, interprétée par une Marina Foïs particulièrement équivoque, semble n’avoir rien à envier à ses collèges masculins. Et la juge qui statue, à charge, sur le sort de Maureen Kearney fait preuve d’autant de morgue que certains de ses confrères.
Dans le rôle titre, Isabelle Huppert livre une prestation aussi admirable que stupéfiante, réussissant le tour de force de parvenir à émouvoir tout en jetant le trouble sur son personnage à l’intérieur d’une même scène. Grâce à la redoutable ambiguïté de son jeu, elle transcende totalement le film de Jean-Paul Salomé et prouve, à l’instar d’un Gérard Depardieu, qu’en dépit d’une attitude qui peut parfois susciter l’agacement, elle reste l’une de nos grandes comédiennes. Le reste de la distribution, de Gregory Gadebois à Yvan Attal en passant par Marina Foïs et la trop rare Alexandra Maria Lara, est à l’unisson de sa prestation.
Didactique, dans le bon sens du terme, et passionnant de bout en bout, La syndicaliste renoue avec la veine d’un cinéma engagé et militant qui fait, depuis trop longtemps, défaut en France. Que Jean-Paul Salomé en soit remercié.