Chanteur magnétique à la voix charismatique et au déhanché lubrique, Elvis Presley est promis à un destin magique. Mais son manager, le maléfique Colonel Parker, entraîne rapidement son prodige vers des sommets de pathétique, jusqu’à atteindre le tragique. Tout ça pour des histoires de fric.

La rencontre entre le pape de la mise en scène tape à l’œil et celui qui fut, sur la fin de sa carrière, le King des tenues kitsch avait de quoi susciter la curiosité. Baz Luhrmann ayant prouvé, de Ballroom dancing à Moulin rouge, qu’il n’avait pas son pareil pour composer de rutilants numéros musicaux, aussi outranciers qu’énergiques. Alors, pourquoi ce film n’est qu’à moitié convaincant ? Est-ce la peur de s’attaquer à la gloire du rock qu’était Presley ? Toujours est-il que Luhrmann, dans son indéniable envie de nous en mettre plein la vue, confond le plus souvent vitesse et précipitation. Avec son clinquant mélange de style, allant de l’écran divisé à la bande dessinée, et ses incessants changements de plans, le spectacle donne rapidement le tournis au lieu du dynamisme recherché. De l’esbroufe à bon compte qui torpille toutes tentatives d’émotions et plombe systématiquement les prestations du chanteur (pourtant parfaitement incarné par Austin Butler) pour les transformer en une série de petits clips aussi survoltés que vains. Bref, malgré la profusion d’effets, c’est à une longue hagiographie, un peu lisse et consensuelle, du Tombeur de ces demoiselles que nous convie le cinéaste australien, tout en évitant de s’attarder sur les problèmes qui fâchent. Notamment ceux concernant les addictions, les « zobsessions » et la prise de poids de son icône. Ne reste, au final, dans les esprits que l’édifiante histoire d’un brave garçon, à la voix de velours et au provoquant jeu de scène, hélas doté d’une conscience politique en toc, d’un sens des affaires en loque et conseillé par un manager nazebroque. Un gestionnaire aussi âpre au gain qu’antipathique (interprété par un Tom Hanks qui peine à se dissimuler sous un ridicule grimage) dont Baz Luhrmann prend l’agaçant parti d’en faire le narrateur principal.
Au risque de vous faire déchanter, cet abrutissant Elvis peine à tenir ses promesses.