Un groupe de jeunes anarchistes se questionne sur la religion, l’avenir de la planète et les dégâts de la société de consommation. Parmi eux, Charles, lymphatique nihiliste, qui privilégie la petite mort en attendant de vraiment en finir.

Robert Bresson a beau filmer un nombre incalculable de pieds, on est vraiment loin de prendre le sien devant son avant-dernier opus. Même si le film étonne par la modernité de certains de ses propos qui annoncent les dérives du capitalisme et les dégâts irréparables faits à la nature au nom du rendement et du profit. Un aspect visionnaire qui prend, hélas, un coup dans l’aile dès que le cinéaste aborde la jeunesse post soixante-huitarde partagée entre militantisme et indolence. Une jeunesse avachie sur les quais de Seine ou dans des appartements ouverts à tout vent et que désincarnent des interprètes à la diction atone et aux regards de poissons morts.
Les dialogues n’arrangent rien, suite d’aphorismes ou de phrases sentencieuses débitées comme on lirait l’annuaire ou les répliques d’un film d’Éric Rohmer : « Tu sais comment finissent les civilisations ? C’est quand tout devient con en accéléré. »
Ou encore :
« – Est-ce qu’il n’y a pas de limite à ne rien faire ?
– Si mais, passé ces limites, ça te donne une volupté extraordinaire. Inouïe. »
Pourtant, on est bien loin de l’extase devant ce film fourre-tout et petit-bourgeois qui passe son temps à enfoncer des portes que le cinéaste laisse systématiquement entrouvertes. Sans doute pour bien nous montrer qu’il excelle dans l’art de brasser l’air.

Ne comptez pas, non plus, sur des scènes de sexe pour égayer tout ça. Difficile de comprendre ce que trouvent les femmes au pauvre Charles, blondinet amorphe coiffé comme un balai à franges. Ou à ce pervers de libraire révolutionnaire (si, si) qui lit le journal après avoir fait l’amour et demande à sa partenaire d’un air désintéressé :
« – Pourquoi m’as-tu donné tant de bonheur ?
– N’aggravez pas votre cas par la sottise. » répond l’intéressée qui était consentante mais pas trop.
Le reste du long métrage est à l’avenant et semble naviguer à vue dans un cheminement labyrinthique. À l’image de ces policiers qui, plutôt que de suivre l’allée d’une église, se perdent au milieu des chaises vides avant de procéder à une interpellation.
A-t-on affaire à une critique de la police qui questionne et martyrise Charles le chevelu à grands coups de genou dans le cul ?
À une dénonciation des méfaits de la drogue chez les jeunes ? Valentin, qui va jusqu’à voler une boîte de sardine à l’huile et une pomme dans une épicerie pour calmer son manque, met un temps interminable pour délacer une chaussure ou s’extirper d’un duvet.
À une critique de la psychanalyse avec un praticien âpre aux gains qui donne à son patient la meilleure technique pour se suicider ?
À un clin d’œil à Jean Girault avec une séquence digne du « Gendarme et les écologistes ».
À un hommage à Jean-Pierre Mocky et à son Drôle de paroissien avec une effraction de troncs aux allures de machines à sous.
Ou, sans le savoir, à une vision du futur Escalier C de Jean-Charles Tacchella.

Des préjugés un peu arriérés, me direz-vous ?
Ce à quoi je vous répondrai par une réplique du film : « Un préjugé n’est jamais arriéré. » Et toc !
Mais qui m’a fichu un film pareil ?
Bresson probablement…