La complice d’un dangereux escroc va tenter de sauver un de ses amis d’enfance, à la recherche d’un emploi, d’une des nombreuses arnaques de son patron qui cherche à lui vendre tout un lot de postes de radio, soi-disant révolutionnaires, nommés La merveille blanche.
Dernier film produit par la Continental-Films (société de production française financée par des capitaux allemands afin de développer des films de propagande) Le dernier sou – aussi appelé La merveille blanche – ne trouva le chemin des salles qu’en 1946. Pourtant, loin de réaliser une œuvre à la gloire de l’occupant, André Cayatte propose un film noir d’une belle modernité qui offre différents niveaux de lecture. Stéfani et ses « collaborateurs » qui vivent grassement de leurs magouilles et règnent sans partage par le chantage et la peur de la dénonciation peuvent, d’ailleurs, être vus comme une critique implicite des pratiques méprisables de certains Français pendant l’occupation.
Parfait en canaille cynique et jalouse, Noël Roquevert, dans le rôle de Stéfani, impressionne par sa froide détermination. Il trouve là un rôle à la mesure de son talent, tandis que Ginette Leclerc, épatante elle aussi, transforme lentement son personnage de femme fatale en amoureuse éperdue, faisant basculer cette histoire d’arnaqueurs en un drame de cœur.
Quel regret que, face à eux, Gilbert Gil soit si peu convaincant et les réactions du cycliste qu’il incarne aussi agaçantes. Dommage, également, que le final bâclé parasite la bonne impression d’ensemble dégagée par ce film qui, loin d’être une œuvre mineure dans la filmographie de Cayatte, est à marquer d’une pierre… blanche.
Merci Marcorèle d’exhumer LE DERNIER SOU de l’oubli.
En effet, tout le monde s’entend à passer par l’amnésie, les films tournés sous l’occupation allemande, notamment par Continental-Films, au lieu d’avoir le courage d’analyser les choses.
Sans doute que la honte ou le malaise justifient cette réticence à évoquer toute oeuvre artistique ou autre activité réalisée pendant que la France était dirigée par un régime étranger souvent violent et définitivement jugé par l’histoire compte tenu de son effroyable barbarie et de son idéologie inhumaine. A part quelques forcenés qui auraient bien fait de se suicider eux-même à la Libération si on ne les passait pas par les armes et qui ont encore tenté de répandre leur poison, la plupart des français se sont empressés de retrouver une vie normale sans autre forme de procès. Il allait de l’intérêt du Pays de garder suffisamment de forces vives même si beaucoup de collabos n’ont pas été sanctionnés.
Faut-il condamner tous ceux qui ont continué d’avoir de l’ambition pendant l’occupation, au prétexte que leur égoïsme alimentait la stabilité du troisième Reich et le renforçait donc ? Chacun doit se poser la question pour ceux qui ont vécu et s’interroger sur la réaction qui fût la sienne dans les mêmes circonstances. Il en va de l’honnêteté morale et une réponse idéale unanime ou trop spontanée est bien trop commode. Car les résistants qui ont pris des risques bien avant d’entendre les canons des alliés n’étaient pas bien nombreux et cela devrait suffire à mettre chacun devant sa conscience : qu’aurais-je fait à la même époque ? Me serais-je réellement dressé contre l’ennemi ? Me serais-je planqué en attendant que ça se passe en pensant seulement à ma pomme et mes proches, puisque ce n’était pas mes affaires ? Aurais-je profité de l’aubaine où les salauds pouvaient être récompensés dans un système inversé de valeurs ?
A l’heure où l’attachement à la démocratie et à la République vacillent un peu partout dans le monde et même dans notre beau pays sans reproches, il serait bon que chacun se pose la question. Et puis, considérant que la réponse est difficile et que l’immense majorité espère ne jamais avoir à se la poser, il est déjà temps de se demander ce que chacun de nous peut faire pour que, justement, il n’aie jamais à se la poser, cette malheureuse question.
Si quelqu’un ne comprend pas, il n’a qu’à relire … Pour moi, c’est clair.