Paris, début du 20ème siècle.
Un séduisant quinquagénaire, cinéaste de profession, donne des leçons de séduction à l’un de ses machinistes qu’il considère comme son fils. Mais, à force de bons conseils, son protégé finit par tomber amoureux de la même femme que lui.
C’est avec une comédie romantique que René Clair reprend le chemin des studios en France après un exil de plusieurs années aux États-Unis pendant la seconde guerre mondiale. Une comédie légère et nostalgique, pleine de clins d’œil aux débuts du cinéma et à l’époque du muet que le cinéaste a bien connu. Le silence est d’or, joli titre qui peut être sujet à double interprétation. Il confirme, d’une part, l’attachement de René Clair à cet âge d’or des pionniers du cinématographe et à leurs histoires sans paroles dont il donne ici un beau témoignage. Et laisse entendre, d’autre part, qu’il vaut mieux parfois se taire que de donner trop de conseils comme l’apprend, à ses dépens, le personnage incarné par Maurice Chevalier. Maurice Chevalier dont Le silence est d’or marque aussi le retour sur les plateaux après l’occupation dans un rôle plus en phase avec son âge, celui d’un grand séducteur confronté au temps qui passe et devant se résoudre à abandonner sa place à une nouvelle génération. Rien de sombre dans ce constat, René Clair ayant le bon goût de privilégier l’humour au drame, même si le film se teinte par instant d’un soupçon de mélancolie.
S’il n’est pas le plus connu de sa filmographie, Le silence est d’or ne manque pas de charme avec sa superbe photographie en noir et blanc et ses tirades pleines d’esprit, comme celle que tient François Périer à Marcelle Derrien lorsqu’il lui explique l’évolution du sentiment amoureux entre deux personnes par le passage du « vous » au « tu ». Concept inconnu pour les anglo-saxons.
Un agréable divertissement d’un très bon artisan du septième art.
Eh oui, en 1947, un film ne se limitait jamais à chercher à distraire avec fracas ou familiarité. A cette époque, le cinéma avait de l’exigence esthétique et de texte, de la classe, des messages à transmettre en pagailles. Les moyens étaient rudimentaires par rapport à aujourd’hui, mais les ambitions beaucoup plus élevées.
Marcorèle qualifie avec respect René Clair d' »Artisan du septième art ».
Avec le temps, cet artisanat est devenu de l’orfèvrerie, un peu datée, sans doute, mais si ravissante si l’on veut bien ne pas regarder la marque du temps comme un indice de vieillerie mais comme une marque d’authenticité et de qualité que nos réalisateurs ne devraient pas trop souvent négliger.
Soit, ce cinéma était souvent plus moralisateur que distrayant, défendait les valeurs familiales ou patriotiques, et le vilain était dénoncé et perdait à la fin tandis que le monde décrit retrouvait un ordre et un équilibre. Mais chacun avait le droit d’en penser ce qu’il voulait.
Il nous reste du beau cinéma. Ne boudons pas notre plaisir à le contempler.
Si je me tais longtemps, je vais peut-être me faire un beau paquet, alors !