Affiche du film Entr'acte
Deux hommes s’agitent autour d’un canon sur le toit d’un immeuble parisien. Un chasseur fait du tir à la pipe au sommet d’un bâtiment. Un cortège funèbre se lance dans une délirante course-poursuite avec un corbillard.
C’est peu dire que le second film de René Clair déconcerte.
Méprisé, en fin de carrière, par la Nouvelle Vague qui le considérait comme le représentant d’un cinéma français classique et dépassé, il est étonnant de découvrir Entr’acte. Ce film de commande destiné à agrémenter l’entracte de Relâche (un ballet instantanéiste qui se produisait au Théâtre des Champs-Élysées) ouvrait la voie au surréalisme grâce à ses influences dadaïstes dont il est l’un des rares représentants cinématographiques.
Un œuvre expérimentale sans queue ni tête, qui surprend par son inventivité et son humour potache, avec comme thème récurrent celui de la foire (dans tous les sens du terme) et des fêtes foraines qui firent les beaux jours de l’un des pionniers du cinématographe, Georges Méliès.
Une liberté de ton qui ne marquera pas autant les esprits que les violents excès d’Un chien andalou, célèbre film surréaliste tourné par Luis Buñuel en 1929, mais assurera la reconnaissance de René Clair en tant que cinéaste, d’autant qu’il s’offrait ici une distribution de choix : Francis Picabia et Erik Satie (respectivement scénariste et compositeur du film), mais aussi Marcel Duchamp, Man Ray, Darius Milhaud ou encore Marcel Achard.
Alors même si l’on ne comprend pas grand-chose à cet Entr’acte (bien que le film devienne progressivement plus linéaire et s’achève par la traditionnelle course-poursuite chère au cinéma burlesque), on y trouve, en germe, quelques thèmes qui parcourront l’œuvre du cinéaste : un goût certain pour la fantaisie et une fascination pour Paris et ses toits. Il est d’ailleurs amusant de noter que le titre du premier film parlant de René Clair, Sous les toits de Paris (1930), résonne comme un clin d’œil à ce film muet qui le fit connaître.
Entr’acte est une véritable curiosité.