Affiche du film Lucky Jo
A sa sortie de prison, un malfrat fidèle en amitié mais terriblement poissard – ce qui lui a valu le surnom de Lucky Jo – se voit rejeté par ses anciens compagnons qui ne veulent plus faire les frais de sa malchance.
Étrange polar que ce Lucky Jo qui lorgne du côté des Lemmy Caution, que l’inexpressif Eddie Constantine tournait à la pelle dans les années 50/60, tout en donnant un supplément d’âme aux coups que le héros chapeauté assène ici avec une sorte d’élégante lassitude.
C’est qu’avec Michel Deville derrière la caméra, le banal film de gangsters se pare soudain d’un spleen aussi léger qu’inattendu. Celui que provoque le temps qui passe avec ses inévitables amitiés et amours déçus, voire perdus. Tandis que devant la caméra, Eddie Constantine semble enfin prendre plus de plaisir à jouer qu’à cogner.
On le comprend. Les dialogues pétillants de Nina Companeez font mouche et les personnages, bons ou méchants, ne manquent pas de charme. Policiers, truands : tous dégagent une indéniable chaleur humaine dont on sent qu’elle est, à l’image de son héros au grand cœur, sur le point de s’effacer au profit d’une plus grande noirceur. Les temps changent et la mise en scène alerte et inventive de Deville s’y adapte au rythme de la musique composée par Georges Delerue.
Lucky Jo n’en reste pas moins une curiosité mineure dans la carrière du cinéaste. Un aimable divertissement en forme d’adieu aux polars à papa mais où l’on discerne, à posteriori, comme une ébauche des intrigues noires et ambiguës où excellera, dix ans plus tard, le réalisateur du Mouton enragé.