Affiche du film Le locataire
Trelkovsy, un homme timide d’origine polonaise, s’installe dans le petit appartement miteux d’un vieil immeuble cossu où la précédente locataire s’est suicidée en se jetant par la fenêtre.
Avec Répulsion et Rosemary’s baby, Le locataire s’inscrit dans la lignée des films fantastiques de Roman Polanski basés sur les appartements maudits.
Après avoir étudié leur emprise sous l’angle de la schizophrénie puis de la possession démoniaque, le cinéaste s’intéresse cette fois à la paranoïa et aux troubles que peuvent générer la vie en communauté.
En un seul plan, celui du générique, Polanski ancre son film dans une ambiance glauque (les façades grisâtres autour de la cour) et inquiétante (les étranges apparitions de Trelkovski et de Simone Choule aux fenêtres de la chambre et des toilettes) qu’accentuent la musique entêtante de Philippe Sarde et l’emploi du glassharmonica.
Devant la caméra du cinéaste, le Paris des années 70 devient une ville sombre entre décrépitude et reconstruction (on y aperçoit le « trou des halles »), peu accueillante pour les pauvres ou les étrangers. Une sensation renforcée par un rendu terne des couleurs, de nombreuses scènes nocturnes et l’utilisation du gris ou du beige pour l’appartement de Trelkovsky.
La bande son participe également au malaise en mettant en avant une multitude de bruits dérangeants : le robinet qui goutte en permanence dans l’appartement, les grincements du parquet sur le palier et les coups donnés au plafond ou dans les murs par les voisins. Elle donne une base tangible à la folie qui s’empare peu à peu du nouveau locataire, victime de l’intolérance et du racisme ordinaire. Car s’il y a des démons ici, ce sont les autres qui poussent inconsciemment Trelkovsky à perdre pied avec la réalité.
Les passages du réel aux hallucinations sont particulièrement bien rendus et marquent le film de leurs ambiances mortifères, notamment avec ces angoissantes apparitions derrière la fenêtre des toilettes située de l’autre côté de la cour.
Un sans-faute fantastique parsemé des petits clins d’œil à Hitchcock (Fenêtre sur cour et Psychose) que Polanski plombe, hélas, par son goût du grotesque. Il atteint même des sommets de ridicule lorsque, se grimant en Simone Choule, il oublie de faire dans la nuance.
La distribution cosmopolite – américaine et française – n’arrange rien (le doublage français laisse vraiment à désirer), ni le cabotinage excessif de certains des comédiens qui donne parfois à l’ensemble un côté franchouillard et daté.
Ces réserves faites, Le locataire, par son atmosphère oppressante et malsaine, n’en reste pas moins une indéniable curiosité cinématographique.