Un jeune loup de la finance décide de prendre sa gigantesque limousine blanche pour aller se faire couper les cheveux à l’autre bout de la ville, alors que de violentes émeutes secouent New York et qu’un tueur le menace.
Avec Cosmopolis, Cronenberg semble revenir à ses thèmes de prédilection et les trente premières minutes du film sont bien à l’image du cinéaste de Crash, déjantées et pourtant incroyablement justes. Dans sa longue limousine insonorisée, Eric Packer vit à côté du monde qui l’entoure. Un monde qu’il voit défiler en silence derrière les vitres de sa voiture matrice (ce que rappelle discrètement le fauteuil aux allures de sexe féminin dans lequel il trône et reçoit ses invités). Mais si certaines marottes du réalisateur sont au rendez-vous : la voiture comme prolongement de soi et de sa virilité, les obsessions anales et sexuelles hardiment abordées via une sidérante scène d’examen de la prostate, son message est brouillé et a du mal à passer.
Car si l’on devine le fond de sa pensée (décrire une société malade qui court à sa perte guidée par des fous avides qui tentent de justifier leurs actes sous couvert de théories fumeuses – qu’elles soient économique ou d’épanouissement de soi), le cinéaste ne parvient pas à s’affranchir des mots du romancier Don DeLillo et ne trouve pas le bon dosage entre images chocs et mots qui tuent, comme ce fut le cas avec A dangerous method.
Quant à la confrontation finale, lourdement filmée sous la forme d’une longue confession, elle finit de plomber le film.
Sans doute aurait-il fallu un acteur moins lisse que Robert Pattinson pour donner un peu plus d’ambigüité au personnage principal et des seconds rôles masculins plus nuancés : Paul Giamatti et Mathieu Amalric en font, une nouvelle fois, des tonnes. Seule les femmes, comme souvent chez le cinéaste canadien, sèment le trouble et tirent leur épingle du jeu, de Sarah Gadon à Juliette Binoche.
Sur un sujet d’une aussi brûlante actualité, il est vraiment regrettable que Cronenberg revienne aux affaires par la petite porte avec cette introduction en bourse aussi « abscul » qu’absconse.
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