
Quelques mois après le début de la Seconde Guerre Mondiale, l’officier SS Wallenberg reçoit pour ordre de recruter et de former des jeunes femmes, dans le but d’espionner les clients du célèbre bordel de Kitty Kellermann à Berlin. Autant prostituées que fanatiques du régime nazi, toutes sont chargées de recueillir sur l’oreiller les confidences de diplomates étrangers, d’officiers ou de dignitaires allemands.
1976 fut vraiment l’année du sexe et des perversions au cinéma avec les sorties de Salo ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini, de L’Empire des sens de Nagisa Oshima et de ce Salon Kitty.
Après une série de films où il a abordé différents genres, Tinto Brass marque enfin les esprits avec ce film, à ne pas mettre sous tous les yeux. S’inspirant d’une stupéfiante histoire vraie, le cinéaste inscrit son film dans la lignée des Damnés de Luchino Visconti (1970) ou de Portier de nuit de Liliana Cavani (1974) plutôt que dans celle des films de nazisploitation (ou nazi porn) qui fleurirent à la même époque et dans laquelle on a voulu le cantonner.
Avec cette farce féroce, qui propose de nombreux tableaux sexuels très lestes, Brass dénonce la trivialité du pouvoir et les dépravations du national-socialisme tout en pointant du doigt les mensonges de ses élites, véritables fantoches qui prônent, pour les autres, l’ordre moral et les valeurs de la famille dans le but d’assurer leur ascension politique.

En dépit du caractère choquant de certaines scènes, il n’y a nulle ambiguïté dans le propos de ce Salon Kitty qui déboulonne le Troisième Reich à coups de bouffonneries bienvenues. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir les tenues à croix gammées de plus en plus extravagantes que porte Helmut Berger (parfait en SS plus opportuniste que convaincu), le portrait géant d’un Hitler atteint de strabisme ou les ridicules glissades d’un officier nazi sur le sol en marbre de son bureau.
Alors même si le film perd de sa force dans la seconde partie – avec son histoire d’amour étrangement fade – il fascine de bout en bout grâce aux magnifiques décors (Art nouveau et Art déco) de Ken Adam ainsi que par les saisissants choix esthétiques de Tinto Brass qui, entre deux corps dénudés, sait s’y prendre pour instiller le malaise : d’un abattoir sanguinolent où des hommes se conduisent comme des porcs à la projection de documents d’archives – mettant en scène Hitler – sur le corps nu d’une prostituée.
Salon Kitty participe, en tous cas, à l’extraordinaire créativité du cinéma italien des années 70 et impose Tinto Brass comme un réalisateur sulfureux. Statut que viendra conforter son film suivant, le célèbre Caligula.
Je ne connais que son dépravé Caligula. Je constate que cette antichambre de la luxure est tout aussi perversement cinématographique. Merci pour l’adresse. 🙏
Après nouveau visionnage des deux films, je préfère Salon Kitty à Caligula. 😉
Encore jamais vu, mais j’ai bien prévu un cycle Tinto Brass grâce aux récentes rééditions vidéos de quelques-uns de ses films.
Critique de Caligula, prochainement. 😉
Excellent choix. 👍🎥
Tu liras que je lui préfère ce Salon Kitty, mais 🤫 ! 😉