À Rome pour quelques jours de vacances, une jeune américaine assiste à un meurtre le soir même de son arrivée. Son témoignage étant remis en cause par la police, le corps de la victime ayant disparu, elle décide de mener elle-même l’enquête, aidée par un jeune médecin italien.

Considéré, après plusieurs films de commande, comme le véritable second film de Mario Bava, La fille qui en savait trop est à marquer d’une pierre blanche dans la filmographie du cinéaste italien. Sans être le coup de maître que fut Le masque du démon, cet hommage avoué à Alfred Hitchcock mêle habilement suspense et humour tout en jouant avec une intrigue qui oppose habilement le jour et la nuit. Ainsi, les scènes de comédie se voient plutôt réservées aux séquences diurnes tandis que celles plus frissonnantes sont réservées aux situations nocturnes.
Comme à son habitude, Bava soigne particulièrement ses ambiances et exploite de façon magistrale toutes les possibilités que lui offre le clair-obscur pour ce qui sera son dernier tournage en noir et blanc. Grand chef opérateur, il parvient encore une fois, par ses choix d’éclairage, ses cadrages improbables et ses coups de zoom agressifs, à tirer le meilleur parti de ses décors, réussissant le tour de force de donner vie à des lieux déserts tout en créant une atmosphère réellement oppressante, à l’image de cette scène où l’héroïne déambule dans un appartement désert en travaux.

Pourtant, le principal tour de force du film réside dans la volonté du cinéaste de s’affranchir des tournages en studio et de se confronter à des paysages réels pour faire naître la peur. Devant sa caméra, et les grands yeux expressifs de la belle Letícia Román, la très touristique ville de Rome est transfigurée, à la nuit tombée, en une inquiétante cité où il ne fait pas bon s’aventurer. Un étonnant choix de mise en scène qui va poser les bases du Giallo italien, avec ses meurtres stylisés et ses assassins sadiques issus du quotidien, tous adeptes des armes blanches.
Loin d’être un film mineur, La fille qui en savait trop se révèle incontournable et pose instinctivement les fondations d’un genre dont Mario Bava deviendra l’un des maîtres, quelques années plus tard, avec notamment Six femmes pour l’assassin.