Parce qu’il ne peut pas mener ses investigations comme il l’entend, un journaliste quitte la rédaction où il travaille et décide de créer son propre magazine où il entreprend de dévoiler les turpitudes et les méfaits des notables de la ville. Un petit jeu qui va vite s’avérer très dangereux…

Pour la quatrième fois dans sa filmographie, Jean-Pierre Mocky se donne le premier rôle, histoire de parfaire son image d’anar tout en poursuivant l’un de ses thèmes de prédilection : la corruption des élites. Jetant tout le monde dans le même sac, il dénonce la collusion des syndicats et des partis (qu’ils soient de droite ou de gauche car « on sait que le centre ne représente pas grand-chose… ») plus intéressés à préserver leurs acquis et jouir de leurs privilèges qu’à s’inquiéter du bien commun. Il en profite également pour fustiger les mœurs déviantes de certains de ces dignitaires tout en se faisant plaisir avec une riche et avenante bourgeoise qui lui offre son cul ou dans une ébauche de triolisme en compagnie de Myriam Mézière et de Sylvia Kristel, devenue tout juste célèbre grâce à Emmanuelle.

Mais c’est dans la description des dangers qui menacent une presse livrée aux mains des puissants et des annonceurs que le cinéaste s’avère le plus pertinent et le plus visionnaire. Critique de notre société où les gens n’aiment que le fric et où « tout s’achète et tout se vend », Un linceul n’a pas de poches proclame que l’honnêteté et la vérité sont devenues des denrées rares et extrêmement dangereuses .
En dépit d’une mise en scène qui ne s’embarrasse ni de cohérence de lieux ni de temporalité, Mocky parvient à emballer un récit qui se tient de bout en bout, malgré une durée inhabituelle (plus de deux heures) pour ce réalisateur plutôt habitué à mettre en boîte des films courts. Il faut dire, qu’encore une fois, il a su réunir autour de lui un casting exceptionnel où Michel Serrault côtoie Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru, Jean Carmet, Michel Constantin et tant d’autres parmi lesquels figure aussi le fidèle Francis Blanche dont ce fut le dernier rôle. Ajoutez à cela le thème principal, joué à la trompette par Jean-Claude Borelly, qui devint un véritable succès musical en Europe (à la différence du film qui ne fit que peu d’entrées) et vous obtenez une œuvre de bonne facture où l’on ne peut que regretter les piètres talents d’acteur de Mocky lui-même. Comme quoi, nul n’est prophète dans sa propre filmographie…