Affiche du film Effacer l'historique
Avec leur nouveau film Benoît Delépine et Gustave Kervern envoient un message de soutien aux esclaves consentants du net que nous sommes, aux surendettés du numérique, aux affolés compulsifs du « clic » qui signent, sans même les lire, des autorisations d’intrusions dans leur vie privée, se livrant pieds et poings liés aux géants d’internet et à leurs « intelligences » artificielles dotées de tout, sauf d’émotion et de sentiments. Ce qui est loin d’être le cas de leurs trois (z)héros. Trois voisins habitant le même lotissement d’une triste banlieue des Hauts de France, tous victimes du net. Ne sachant comment revendiquer le fameux droit à l’oubli quand les frasques de l’une traînent sur une sextape, quand la fille de l’autre est victime de harcèlement sur les réseaux sociaux et que la dernière, conductrice de VTC, n’arrive pas à obtenir le nombre d’étoiles qui permettrait à son activité de décoller.
Avec Effacer l’historique, Delépine et Kervern poursuivent leurs études de caractères et s’attaquent à l’insidieuse dictature du net en général et au travers du monde moderne en particulier : de l’addiction aux séries aux insupportables attentes en ligne sur des numéros surtaxés. Une société connectée où il n’est plus possible de joindre personne.
Dommage que ces louables intentions sur le papier s’apparentent à l’écran à une sorte de bric-à-brac sur le même thème regroupé sous forme de sketches qui (s’ils ne dépareraient pas dans l’émission Groland le Zapoï) manquent cruellement de liant pour rendre l’ensemble vraiment percutant. Heureusement, les deux cinéastes peuvent compter sur l’abattage de leur carte maîtresse : Blanche Gardin, véritable électron libre qui dynamite chacun des plans où elle apparaît. Ainsi que sur les réjouissantes apparitions des fidèles de leurs précédents films : Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Vincent Lacoste et Michel Houellebecq en tête.
Même foutraque, Effacer l’historique n’en reste pas moins hautement recommandable. Capable de fulgurances comiques giclant jusque sur la vitre d’un téléphone portable tout en pointant du doigt avec une certaine acuité (notamment lors du dernier plan tragi-comique) la déshumanisation d’un monde, prisonnier volontaire de la technologie, qui n’a jamais eu autant besoin d’amour.