1910, dans le Nord de la France. Une riche famille de bourgeois lillois, les Van Peteghem, vient profiter de sa résidence estivale dominant la Baie de la Slack où de mystérieuses disparitions inquiètent la population. L’énorme inspecteur Machin et son maigre acolyte Malfoy mènent l’enquête et s’intéressent rapidement aux agissements d’une famille de pêcheurs.
Après P’tit Quinquin, Bruno Dumont continue d’explorer sa région de prédilection sous l’angle du burlesque et de la farce. Ma Loute se présente donc comme une satire aussi grinçante que son inspecteur obèse et aussi décapante que du Jean-Pierre Mocky, dont le cinéaste partage le goût des acteurs à trognes et des scénarios qui virent à l’absurde. Un jeu de massacre aussi drôle que saignant qui n’épargne rien ni personne. Riches ou pauvres, tous sont passés à la moulinette d’une caricature particulièrement mordante et iconoclaste qui n’hésite pas à lorgner du côté du fantastique.
Les comédiens, professionnels ou amateurs, sont au diapason des excès de leur réalisateur. Les deux enquêteurs joués par Didier Despres et Cyril Rigaux forment un tandem digne de Laurel et Hardy tandis que Fabrice Luchini, Jean-Luc Vincent et Valéria Bruni Tedeschi campent une famille aux attitudes particulièrement outrancières. Luchini surtout, admirable de naturel jusque dans ses excès. Un exercice d’équilibriste dont seule Juliette Binoche n’arrive pas à sortir indemne. Elle a beau en faire des tonnes, jamais son jeu ne détonne.
Il faut dire que l’atmosphère et les envolées (au propre comme au figuré) orchestrées par Bruno Dumont ont de quoi désarçonner même si le propos n’est pas totalement gratuit puisqu’il prône, par la transsexualité de l’un de ses personnages, l’ouverture aux autres et le droit à la différence. Une générosité qui ne va pas sans quelques anicroches, le film traînant beaucoup trop en longueur et peinant à trouver une fin digne de ce nom.
Au même titre que les films de Delépine et Kervern, Ma Loute fait pourtant figure d’exception dans une comédie française de plus en plus aseptisée. Une tentative d’humour qui réjouit par sa liberté de ton, la beauté de ses paysages et la parcimonie avec laquelle est utilisée la musique.
Alors, même si le résultat n’est pas totalement abouti, vindiou, c’est peu dire qu’on en redemande.
De ce réalisateur je n’ai vu que la Vie de Jésus, il y a près de vingt ans, mais j’avais aimé son univers et ses personnages, son réalisme aussi.
Tu devrais essayer celui-ci. Même si le réalisme a laissé place à un gros délire. 😉
Oui, ça peut être distrayant ! 🙂
Je suis tenté aussi, malgré mes réticences chroniques à l’endroit de Luchini …
J’ai d’ailleurs beaucoup plus de bienveillance envers Juliette, contrairement à notre critique préféré 🙂
Mais dans le difficile exercice de la farce, l’un excelle, l’autre pas. 🙂
On redemande c’est vrai, mais du même jus, pas comme « France ».
L’état de grâce n’a pas duré… 😦