
A Rome, les mannequins d’une maison de haute-couture se font violemment assassiner par un mystérieux tueur au visage dissimulé sous un masque.
Après une magnifique ébauche en noir et blanc dans La fille qui en savait trop et un bout d’essai en couleur dans Le téléphone, premier volet du film à sketches Les trois visages de la peur, Mario Bava impose définitivement les codes du Giallo (polar angoissant et très stylisé où des femmes, en petites tenues, sont traquées et violemment assassinées par un mystérieux tueur sadique amateur d’armes blanches) avec Six femmes pour l’assassin.
Dès le générique où tous les protagonistes posent, immobiles, près d’inquiétants mannequins rouges ou en osier, le cinéaste confirme son goût pour les ambiances étranges et affirme sa misanthropie (de plus en plus prépondérante dans sa filmographie) vis-à-vis de personnages qui ne sont, pour lui, que de simples objets d’études dans ses recherches de mise en scène autour de la peur au cinéma. La remarquable introduction nocturne dans l’allée menant à l’atelier de haute-couture est, à ce titre, emblématique du cinéma de Bava qui joue avec brio des ambiances (lumières et sons) pour mettre en place son conte horrifique baroque. Comment ne pas penser au Petit chaperon rouge en voyant cette femme en imper rouge traquée par une silhouette noire aussi dangereuse qu’insaisissable ?

Délaissant les demeures hantées, Bava ancre son récit dans le quotidien d’une luxueuse maison de couture qu’il transforme en un lieu inquiétant et labyrinthique. Pour ce faire, il abandonne son somptueux noir et blanc, sans quitter son goût pour les miroirs, les ombres et les clairs-obscurs, et se lance dans un étonnant travail sur les couleurs qui impressionne autant la pellicule que la rétine. Sa mise en scène, fluide et immersive, se joue des personnages mais s’amuse aussi avec le spectateur qu’il cherche en permanence à déstabiliser, soit en détournant son attention (sur un mystérieux journal intime, par exemple), soit en jouant sur le point de vue de la caméra. Est-ce un des protagonistes qui s’immisce, la nuit, entre les mannequins de la maison de couture ou le cinéaste démiurge qui s’invite dans le film ? Effroi garanti.
Seul le scénario, qui offre pourtant son lot de surprises et de rebondissements, ne semble pas franchement intéresser Mario Bavo qui préfère jouer sur les sensations que procurent chacun des meurtres qu’il orchestre, allant crescendo dans l’épouvante avec peut-être, en passant, un petit clin d’œil aux Diaboliques de Clouzot.

Étrangement, ce film fondateur du Giallo finira par sombrer dans l’oubli auprès du grand public même s’il influencera nombre de grands cinéastes, dont Dario Argento qui s’en inspirera pour composer son fameux Suspiria.
Grand cinéaste formel, Bava offre avec Six femmes pour l’assassin un condensé saisissant de son art et gagne définitivement avec ce premier Giallo ses galons de Maître du frisson.
Bravo pour ton article, tu définis parfaitement le travail de Bava. Ou quand la mise en scène transcende un scénario basique, faisant d’une histoire classique un grand film. Le générique d’ouverture est déjà une merveille.
Dommage que JB Thoret n’ait pas jugé nécessaire d’inclure la VF d’origine lorsqu’il a édité le film en Blu-ray dans sa collection « Make my Day ». Une VF de qualité, comme souvent pour les doublages des années 1960, ’70, ’80. Car on parle en plus ici d’une coproduction internationale, avec des comédiens de différentes nationalités et qui ne parlaient pas un mot d’italien (du coup la VO italienne n’est pas plus légitime que la VF ou une VO anglaise).
Merci pour tes compliments, Nico. 😀 Bien d’accord avec toi pour cette histoire de VF. Néanmoins, dès que j’aperçois Rome à l’image je me regarde la version italienne. L’impression d’immersion devenant tout de suite beaucoup plus forte. 😉
Du giallo de haute couture, j’en ai frissonné également dans mes colonnes. Tu mets le doigt sur les plis parfaitement découpés par le maestro Bava, son sens irréprochable de la lumière fait ici des merveilles. VF ou VI, qu’importe, défilé de frissons cinéphiles garanti.
Superbe chronique.
Merci pour ton commentaire. Bava me fascine et je ne suis pas le seul, apparemment. 😀
tu nous trouves des films venus de nulle part en ce moment !
Un nombre croissant de films récents me laissant de marbre, je me tourne vers des valeurs sûres d’autrefois. Cette année sera plutôt orientée Cinéma italien et films érotiques (les deux se rejoignant souvent) 😉 😀