
La vie du docteur Bruno Sachs, médecin de campagne, est rythmée entre ses consultations au cabinet et ses visites à domicile. Confronté chaque jour à des souffrances autant physiques que psychiques, le médecin trouve le besoin de s’épancher en décrivant son quotidien dans des journaux intimes où il décrit l’arrogance du savoir médical et son impuissance à soulager tous ceux qui sollicitent son aide. Tout cela sous le regard des villageois qui n’en pensent pas moins et observent, avec curiosité, les allées venues de ce médecin empathique, emmitouflé dans son duffle-coat, qui sillonne la campagne à bord de sa vieille Renault 21.
Pour transposer à l’écran le livre choral de Martin Winckler, réputé inadaptable, qui d’autre que Michel Deville qui avait déjà réussi à mettre en image un autre roman complexe : Le dossier 51 de Gilles Perrault.
Pour mettre en scène les réflexions intimes de Sachs auxquelles viennent s’entremêler les avis, pensées et potins de sa patientèle, Michel Deville déploie tout son art de la mise en scène et impose, avec élégance, un montage conçu dès le tournage grâce à des mouvements de caméra brillamment pensés et élaborés. On passe, par exemple, d’une consultation à une autre dans un même panoramique et la multiplicité des voix (ou des pensées) des patients se mêlent, en écho, aux propos de Sachs dans une même scène.

À la manière d’un peintre pointilliste, le cinéaste compose par petites touches sensibles une fresque d’ensemble qui finit par dresser un brillant état des lieux de ce qu’est le quotidien d’un médecin. Une exploration comme toujours ludique chez Deville où l’on retrouve son goût pour les narrations morcelées et les histoires racontées de toutes les manières possibles en se jouant des images et du son. Un cinéma de la confidence où les mots soignent aussi les maux. Un cinéma de l’intime où un plan fugace sur une main consolatrice émeut autant que mille discours. La maladie de Sachs est peut-être en cela un condensé de l’audace cinématographique selon Deville où la musique classique (ici, Les Élémens de Jean-Féry Rebel) côtoie son goût pour le théâtre et son amour des comédiens.

Fils de médecin, Albert Dupontel est remarquable dans son premier rôle dramatique et trouve la bonne distance pour interpréter son personnage, entre discrète empathie et révolte contenu. Face à lui, Valérie Dréville (dans le rôle de la petite amie de Sachs) et Dominique Reymond (dans celui de sa secrétaire, témoin attentif, à la manière d’un chœur antique, des souffrances du médecin et de ses patients) sont parfaites. Sans parler de l’ensemble du casting, qui mélange acteurs chevronnés et comédiens amateurs, dont le cinéaste tire le meilleur parti malgré son caractère hétéroclite.
D’une profonde humanité, le scénario de Rosalinde et Michel Deville est l’exemple type d’une adaptation exemplaire. Une adaptation qui donne corps à ses personnages et s’offre le luxe de flirter du côté du fantastique avec les appels téléphoniques répétés d’une vieille dame réclamant Edmond, pour lequel Michel Deville donne de la voix lors d’une troublante résolution.
Les films qui donnent du baume au cœur sont rares et La maladie de Sachs en fait indubitablement partie.
Merci, grâce à toi je vais peut-être regarder le film (normalement quand j’adore un livre, je ne vais pas voir l’adaptation) : ton article est vraiment convaincant !
je ne le connais que par le livre, ça avait été un sacré best-seller ! tu t’en souviens ? moi mon dos oui…
Je me souviens de la sortie du livre mais aussi de cette belle adaptation. 😉