Blanche croit aimer Alexandre, un jeune snobinard en polo et pompes à glands.
Son amie Léa n’est plus vraiment certaine d’aimer Fabien, un jeune sportif en tennis et survêtements.
Alors quand, suite au départ de Léa, hasards et coïncidences se multiplient pour que Blanche et Fabien se croisent… Les sentiments qui vont naitre de ces rencontres fortuites confirmeront-ils l’adage selon lequel : «Les amis de mes amis sont mes amis » ?
Avec L’ami de mon amie, Eric Rohmer semble se confronter au phénomène de la sitcom en composant une intrigue amoureuse digne des tourments et des atermoiements des personnages d’Hélène et les garçons, les rires enregistrés en moins.
Comme Hélène Rollès, Emmanuelle Chaulet joue mal et son visage a autant d’expressions qu’une huitre devant un plat de nouilles.
Comme le personnage d’Hélène, Blanche vit dans un univers factice où les figurants arrêtent de passer l’air de rien pour regarder les acteurs jouer.
Comme Hélène, Blanche ne sait pas reconnaitre l’amour quand il a les traits d’un gentil garçon coiffé comme un dessous de bras.
Comme Hélène, Blanche est blonde et a tout d’une oie même si elle est coiffée comme un épagneul breton.
Toutefois, pour se différencier des productions AB et satisfaire son public de bobos exigeants, le réalisateur use d’une ribambelle de symboles censés relever le niveau de l’intrigue et faire oublier le jeu fâcheux de ses comédiens.
Son héroïne vit donc dans un appartement témoin à la décoration toute blanche (sans doute pour illustrer que c’est une oie !), avec vue sur la tour du Belvédère de la ville nouvelle de Cergy Saint Christophe (sans doute pour illustrer sa frustration sexuelle) et aime fréquenter les piscines et les lacs avoisinants (normal, je vous rappelle que c’est une oie !).
Entre des propos d’une vacuité toute « Hélènistique » (Fabien, adepte de la planche à voile, n’arrête pas de regarder le ciel en disant : « Il fait pas très beau, mais pour le vent, c’est intéressant. ») Rohmer insuffle à ses personnages quelques pensées bien senties sur l’amour : « Je te trouve très jolie, aussi jolie que n’importe qui », « Sa beauté est banale. En l’aimant, tu te banalises », « Je crois que je t’aime beaucoup, beaucoup. Et que je ne voudrais rien faire que tu ne voudrais pas que je fasse ». Quand ce ne sont pas des sentences définitives sur les rapports humains : « Tu dis que tu es timide mais tu parles tout le temps », « J’essaye de comprendre, de te comprendre, de me comprendre », « Elle est trop jeune pour moi et je suis trop jeune pour elle aussi », « Ce qui me repose la fatigue. Ce qui la fatigue me repose ».
Heureusement que quelques : « Oh, mais c’est l’Oise là-bas ! » et autres « S’il vous plaît, deux cafés ! » viennent reposer, de temps à autre, le cerveau du spectateur mis à rude épreuve par ces ébouriffants chassés-croisés amoureux que magnifie une mise en scène plan-plan flirtant avec le pépère.
Bien sûr, les tenues datées années 80 où se côtoient pantalons à pinces et vestes à épaulettes et certaines couleurs récurrentes comme le bleu électrique ou le vert chlorophylle (sans doute pour illustrer que les protagonistes aiment l’eau et la campagne) ne rendent pas service au film. Mais avec son ébouriffant final qui voit deux couples se saluer en se faisant «Houhou !» et son brusque « Arrêt sur image, on envoie le générique » : L’ami de mon amie se révèle, de toute façon, bien plus proche des Inepties et Poncifs de certains soaps télévisés que des Comédies et Proverbes d’un certain Eric Rohmer.
C’est un très beau film plein de jeunesse, de malice et de fraîcheur, celui de Rohmer que je préfère (avec La Collectionneuse).
Les cinq jeunes comédiens, y compris l’exubérante Anne-Laure Meury/Adrienne qu’on avait trouvée si charmante, si piquante dans La Femme de l’Aviateur et que l’on est heureux de revoir même si elle apparaît un peu moins, bien que son personnage donne un sérieux coup de pouce à l’intrigue, sont excellents peut-être surtout les filles. Elles sont ravissantes. Les personnalités différentes d’Emmanuelle Chaulet/Blanche et Sophie Renoir/Léa s’opposent et se complètent à merveille.
Les dialogues sont ciselés, étincelants comme toujours. La ville nouvelle de Cergy Pontoise, ses places et ses édifices modernes et tout blancs et son environnement d’eau et de verdure est si joliment filmée qu’elle semble une station balnéaire où l’on a envie de passer ses vacances ou simplement de vivre ! Bref, une petit bijou qui semble pourtant fait d’un rien comme beaucoup de films de cet auteur..
Bon. je viens de lire la critique qui précède et je me dis… qu’on ne peut vraiment pas plaire à tout le monde…
Absolument d’accord ! Moi, j’adore quand les gens ne sont pas d’accord.
Vive Rohmer !
Vive Annaïck !
Et vive Marcorèle aussi !
Bien méchant tout de même, le commentaire de Marcorèle. De ceux qui sont à la fois drôles et injuste (on ne peut s’empêcher de rire ou de sourire, mais on n’en est pas moins indigné et, en tout cas, en désaccord…) Surtout à l’égard de l’actrice Emmanuelle Cholet dont le jeu est si sensible. Elle est, de plus très jolie, et sa coiffure « d’épagneul » lui va très bien (si tant est que ce détail est important)…J’ai vu le film plusieurs fois en salle ; chaque fois, lorsque Alexandre dit : « Je déteste ce genre de petite bonne femme à tête ronde », il y a eu des protestations (« Ooooh ! ») parmi les spectateurs… En tout cas, je ne sais pas mettre de liens, nulle en informatique, mais on peut maintenant voir le film en entier sur Youtube (merci à Youtube et à l’internaute qui a mis la vidéo…) et je l’ai placé dans ma barre des favoris (alors que, bien sûr, je l’avais déjà en DVD)…
Oui, vive Éric Rohmer (moi, c’est « mon » cinéaste…). Quant à Marcorèle, bon, c’est sûr, il a le droit d’avoir son opinion, même si on ne la comprend pas…
Il est amusant de constater qu’en voulant donner des exemples de dialogues sentencieux, on peut au contraire y lire une liste de répliques dont la drôlerie, la sensibilité et l’ouverture psychologique sont la marque du cinéma d’Eric Rohmer.
Cette critique est contre-productive et se discrédite elle-même. J’admets la colère et la détestation d’un film que j’aime, à la condition qu’elle soit étayée par des arguments qui ne tombe pas dans de telles facilités et de tels lieux communs que : « Hélène Rollès, soap opera, AB prod, délit de sale gueule, public de bobos, costumes datés des années 80 ».
Comme si on pouvait reprocher à un film tourné à cette époque de ne pas être notre contemporain, c’est la négation même du cinéma. Ainsi, il faudrait en tenir rigueur à Jean Renoir car sa locomotive dans « La bête humaine » n’est plus aux normes SNCF.
Ce film, même pour en dire beaucoup de mal, convie le spectateur à bien d’autres interprétations…
Cela dit contrairement à ce qu’on pense, si l’art est difficile, la critique n’est pas non plus très aisée : pour ma part, je n’aime pas le cinéma d’Arnaud Desplechin et j’ai encore du mal à le justifier clairement, tout en étant sûr de mon ressentiment.
Mais dans tous les cas, le mépris est une voie très improductive pour expliquer aux gens pourquoi on trouve un film est mauvais.
Point de mépris. 🙂 Juste un peu d’humour et tant pis s’il se discrédite… à vos yeux.
Chacun voit midi (ou ses idoles) à sa porte.
Quant à Renoir, heureusement pour lui, il a eu le bon goût de tourner La bête humaine en noir et blanc. Il est donc inattaquable au niveau de la couleur de sa locomotive.
On peut donc utiliser la carte humour et forcer le trait à dessein à partir du moment où l’on écrit sur un film qu’on considère mauvais ? Le ridiculiser ? C’est une conception des choses, et vous n’êtes pas le seul à la partager. Je préfère pour ma part les critiques qui m’expliquent un peu plus précisément pourquoi je me trompe en trouvant bon un film qu’il savent intimement mauvais.
S’il ne s’agit pas d’une véritable analyse mais d’une simple opinion, cela ne peut effectivement pas ouvrir sur une discussion. Chacun en est alors réduit à voir midi à sa porte et à se la refermer sur les doigts à tour de rôle.
Bien sûr que l’on peut utiliser la carte de l’humour et forcer le trait sur un film que l’on n’apprécie pas. Heureusement, même !
Sinon, cela voudrait dire que le caricaturiste d’un journal est moins pertinent et à même de commenter l’actualité qu’un journaliste qui publie un article de fond ?
Que des cinéastes qui utilisent la parodie ou la caricature pour illustrer leur propos (Les Jean-Pierre Mocky, Blake Edwards ou Frères Farrelly…) seraient moins convaincants que des réalisateurs plus « sérieux » comme Ken Loach ou Costa-Gavras ?
Une critique, fusse-t-elle brillante et bien documentée, ne parviendra jamais à vous faire changer d’avis quand vous appréciez un film. Au mieux, elle vous apportera un éclairage auquel vous n’aviez pas pensé, au pire vous la repousserez d’un revers de main en la qualifiant de « simple opinion » plutôt que d’analyse.
Que vous préfériez une analyse plus touffue, je le conçois. Que vous décrétiez que mon analyse – pardon : mon opinion – est contreproductive libre à vous. Elle a au moins le mérite de jouer son rôle de poil à gratter (la preuve, elle vous a agacée) au milieu des perpétuelles louanges qui accompagnent chaque film de Rohmer. L’ami de mon amie n’est pas son meilleur film et je préfère – de loin – Le genou de Claire ou Pauline à la plage.
Qui était donc ce metteur en scène du milieu des années 1960 qui avait refusé à son actrice de tourner en mini-jupe parce qu’il était sûr que la mini-jupe serait un jour démodée, et qu’on ne prêterait plus attention alors qu’à la tenue démodée de cette dernière, oubliant l’intérêt du film ?
Je ne sais plus, mais c’est peut-être dommage. La mini-jupe est redevenue à la mode depuis un bon moment, et l’on peut juger alors, quand on repasse ce film, que sa qualité pâtit de ce que l’on ne voit pas assez bien les jambes de l’héroïne ?…
En tout cas, comme filmontage, je regrette que certaines personnes disent : « Je n’aime pas tel ou tel film parce que je déteste la mode de l’époque à la quelle il a été tourné ; ah, ces vestes comme ci, ces pantalons, ces chaussures comme ça… » Je ne comprends pas, je trouve cela très superficiel. Mais c’est vrai, je l’ai entendu plusieurs fois.
Si la qualité du film que vous citez ne se mesure qu’à la longueur de la jupe de l’héroïne, je comprends que vous ayez oublié le nom du metteur en scène. 😉
Mes remarques vestimentaires forçaient le trait à dessein. Rassurez-vous, je n’ai rien contre les pattes d’eph et les chemises à jabot dans un film, surtout quand celui-ci est bon. 😀
Je me souviens aussi de cette anecdote sur les mini-jupes : c’est à propos de « Belle de jour » de Luis Bunuel. C’est Jean-Claude Carrière qui était de cet avis. Je suis d’accord avec vous sur le fait que ça peut être dommage de ne pas filmer son époque telle qu’elle est. (Cela ajoute au charme d’un film après-coup de le dater volontairement, comme « La maman et la putain » ou « Loulou » par exemple) En l’occurrence, on peut dire que Carrière s’est tout de même rattrapé en confiant la conception des costumes à Yves Saint Lauren, occasion qui lui a permis de rencontrer pour la première fois Catherine Deneuve.