Affiche du film Dr Jekyll et les femmes
A Londres, le docteur Jekyll convie chez lui famille et amis de la haute société victorienne afin de fêter ses fiançailles avec la désirable Fanny Osbourne. Une soirée qui vire au cauchemar lorsqu’un dangereux pervers sexuel se glisse dans l’immense demeure, violant et tuant tous ceux qui croisent son chemin.
Reprenant à son compte le fameux roman de Stevenson, Walerian Borowczyk décrit une société corsetée (le fétichisme du corset, récurent dans tout le film, n’est sans doute pas un hasard) devenant la proie de ses pulsions et compose un film sulfureux qu’il imprègne tout entier de la dualité de son personnage principal.
Aux vastes salons éclairés où festoient les convives, le cinéaste oppose les couloirs sombres et tortueux de l’étrange demeure qu’il transforme en un véritable dédale (sorte de représentation tourmentée de l’espace intérieur de Hyde ?), tandis que les femmes, personnages clefs de tous ses films, jouent de leur ambivalence, entre innocence opprimée et tentation de la perversion, face à des hommes arrogants et sans nuances.
Photo de Marina Pierro dans le rôle de Fanny Osbourne
Borowczyk, en parfait esthète, crée pour l’occasion des images dignes de tableaux de maître – mêlant jeu d’ombres et de lumière, escaliers spiralés, visage féminin recomposé dans un reflet et hommage à Vermeer – et fait baigner son film dans une atmosphère cotonneuse et floue, sans doute pour pour mieux illustrer cette idée de perte des repères. L’ambiance fantastique qui en découle est proche de celles composées par Mario Bava en Italie. La maison labyrinthique et l’apparition fugace, en début de film, de la petite fille blonde derrière une fenêtre semblent d’ailleurs faire écho aux plans élaborés par le maître italien de l’angoisse dans Opération peur.
Photo petite fille blonde derrière la fenêtre
Mais, tout à ses compositions esthétiques, Borowczyk en oublie son scénario, beaucoup trop décousu et verbeux, ainsi que sa direction d’acteur avec des comédiens en roue libre. Si le choix d’Udo Kier et de son regard magnétique, pour jouer Jekyll, est tout à fait judicieux, sa prestation relève le plus souvent du cabotinage. Le doublage approximatif de certains de ses partenaires n’arrange rien et participe au côté calamiteux de l’ensemble.
Parfois à la limite du grotesque, Dr Jekyll et les femmes peine à convaincre même si le film possède d’indéniables fulgurances fantastiques (le bain où se transforme le docteur) et érotiques (l’effeuillage de la fille du général penchée sur la table d’une machine à coudre).
Il n’en reste pas moins une véritable curiosité réservée à un public averti.