Lucie s’est disputée avec son mari.
Elle trouve refuge chez Hélène, son amie.
Ensemble, elles décident d’aller chercher une location dans le midi.
À l’occasion de cette escapade, elles vont faire le point sur leur vie.
Sur leurs envies et leurs désirs inassouvis.
Sur leurs peines et leurs déboires aussi.
Et, tout en dévoilant parfois leur anatomie, se raconter plein de récits.

Un peu comme il l’avait fait avec La femme en bleu, où il avait compilé plusieurs de ses notes pour en tirer un scénario, Michel Deville a demandé à quatorze auteurs de lui écrire des textes érotiques qu’il s’est ensuite amusé à agencer pour composer ce Voyage en douce.
Un voyage de l’autre côté du miroir (accessoire récurrent dans l’œuvre du cinéaste) qui, en prenant prétexte de la recherche d’une maison de vacances, explore d’autres histoires – vécues, remodelées ou tout simplement fantasmées – qu’Hélène et Lucie se racontent.
Des révélations voluptueuses, traumatiques ou érotiques dont certaines, plus lubriques, flirtent avec les interdits : quelques scènes sont à l’image d’une époque et pourraient aujourd’hui heurter certains spectateurs.

Un trouble que Michel Deville atténue grâce à l’enchâssement subtil de ses différents récits. Récits qu’il associe à une mise en scène aussi complexe qu’invisible mêlant, avec élégance, une dizaine de techniques de narrations cinématographiques. Il expérimente ainsi différents agencements visuels et sonores qui offrent des instantanés tantôt séduisants tantôt glaçants. Un viol dans un parking, notamment, que le cinéaste évoque uniquement par les sons tandis que se déroule sous nos yeux une promenade champêtre dont la beauté vient amplifier l’horreur de ce que l’on entend.

Cette échappée belle n’en reste pas moins éminemment sensuelle grâce à la beauté et à la complicité de Dominique Sanda et de Geraldine Chaplin dont les personnages, aux caractères opposés, font pourtant penser aux deux faces d’une même pièce. C’est ce qu’évoque, d’ailleurs, le premier titre du scénario : Hélène et Lucie D. dont le jeu de mots laisse à penser que Lucie pourrait être une amie imaginaire, le versant sombre d’Hélène ici élucidé.
Bercé par les Bagatelles de Ludwig Van Beethoven et l’Ode Saphique de Johannes Brahms, ce séduisant périple, qui est aussi une réflexion sur le temps qui passe, capte avec la même acuité les belles lumières de Provence et les méandres nostalgiques des souvenirs. Brillant.