
Hanté depuis son enfance par un double drame, Marcello cherche à oublier son sentiment de culpabilité en s’efforçant, en permanence, de rentrer dans le rang. Marié, sans conviction, à une jeune bourgeoise naïve et fasciste par conformisme, il est envoyé, par les services secrets de Mussolini, en mission en France pour approcher et supprimer son ancien professeur de philosophie en exil.
Ce qui frappe l’œil dès la première vision du Conformiste, c’est la beauté confondante de chacun de ses plans et le magnifique travaille sur la lumière du célèbre directeur de la photographie : Vittorio Storaro (Malicia, Apocalypse Now, Coup de cœur…) qui réussit à apporter une coloration personnelle à chacun des décors du film : de Rome à Paris, en passant par une inquiétante forêt.
Adaptation d’un roman d’Alberto Moravia, le film tend à démontrer la collusion entre bourgeoisie et fascisme ainsi que l’adhésion à ses thèses de tout un chacun, non par idéologie mais pour se conformer à ce que la société attend d’eux. Bernardo Bertolucci compose pour l’occasion un film glaçant que rehaussent les impressionnants décors déserts où déambule, de sa démarche rigide, Marcello. En fasciste, aussi opportuniste que lâche, Jean-Louis Trintignant offre une troublante composition, aussi bouffonne qu’inquiétante, et parvient à rendre palpable, avec une belle économie de mots, les doutes et les contradictions de son personnage. Celles d’un pauvre type mal dans sa peau, engoncé dans son imper et le visage dissimulé sous son chapeau.
Malheureusement, en multipliant les digressions, le scénario donne aussi la désagréable sensation d’être décousu (il fut bouclé en un mois par Bernardo Bertolucci, ceci explique peut-être cela) et de se perdre en route dans des situations pas toujours très compréhensibles.
Certains choix de mise en scène ont également mal vieilli, comme cette vendeuse de fleurs à la sauvette se mettant à chanter, sans raison, l’Internationale ou cet assassinat grandiloquent, à la Jules César, dans une forêt enneigée.
Pourtant, certaines séquences marquent vraiment l’esprit, notamment celles autour de la liaison saphique entre Giulia et Anna (femmes de Marcello et du professeur de philosophie), impeccablement interprétées par la brune Stefania Sandrelli et la blonde Dominique Sanda. Une liaison qui culmine lors d’une troublante soirée dansante dans une guinguette.
Rien qui ne parvienne, toutefois, à dissiper l’ennui poli qui s’installe inéluctablement, en dépit du joli thème composé pour l’occasion par Georges Delerue. Dommage, car le film, toujours d’actualité, nous met aussi en garde contre le retour du fascisme dans nos fragiles démocraties…