Rome, 37 de notre ère. Après avoir assassiné son grand-père adoptif, l’empereur Tibère, Caligula s’empare du pouvoir et fait basculer l’Empire romain dans un règne de folie, de corruption et de débauche.

En 1976, Bob Guccione (fondateur du magazine Penthouse) a l’idée de produire un film non pornographique comprenant des scènes de sexe non simulées, comme le fera la même année Nagisa Oshima avec L’Empire des sens. Le projet inspire le scénariste Gore Vidal (scénariste de Ben-Hur) qui propose un film sur l’empereur mégalomane et débauché Caligula. Repéré pour son audacieux Salon Kitty, Tinto Brass se retrouve aux commandes de cet ambitieux péplum dans lequel il espère bien de nouveau aborder le thème du pouvoir corrupteur et de la soumission volontaire d’un peuple à un dictateur sans foi ni loi. Le casting est à la hauteur des ambitions du projet où l’on retrouve Malcom McDowell (qui renoue avec un personnage de dingue après celui d’Orange Mécanique), Teresa Ann Savoy (remarquée, et déjà dénudée, dans Salon Kitty), Helen Mirren (qui nous en met plein les mirettes), Peter O’Toole (qui fait peine à voir) et le shakespearien John Gielgud (qui semble errer comme une âme en peine au milieu des décors en attendant l’heure de la délivrance), tous entourés de nymphettes nues et de jeunes hommes dans le plus simple appareil.

Le résultat à l’écran ? Un sacré bordel, au sens propre comme au sens figuré. Le cinéaste se retrouve peu à peu dépossédé de son film, remonté sans sa bénédiction et entrecoupé de parties de jambes en l’air explicites qui furent discrètement tournées la nuit, par Bob Guccione, sur les décors du film avec plusieurs mannequins travaillant pour sa célèbre revue de charme. Cet assemblage hétéroclite plonge le spectateur dans un film imposant mais bancal qui navigue constamment entre le pompeux (l’action très théâtrale est tournée dans de gigantesques décors baroques) et le leste, sans jamais parvenir à trouver le ton juste. Les tableaux grandiloquents qui s’enchaînent – parfois sans queue ni tête mais toujours avec l’idée de souffler le chaud et le froid – donnent rapidement l’impression que Caligula marche à côté de ses caligae* sans véritable metteur en scène pour lui donner une direction à suivre. Heureusement, la composition aussi mémorable que déjantée de Malcolm McDowell, bras tendu et pouce levé, parvient, in fine, à donner une troublante épaisseur au personnage principal.
Moins abouti que Salon Kitty et plus impersonnel, le décadent film de Tinto Brass marque pourtant les esprits par sa folie visuelle, ses surprenantes scènes de cruauté ainsi que ses orgies débridées qui, bien que souvent copiées, ne seront jamais égalées. Loin d’être un chef-d’œuvre, Caligula est indubitablement un film culculte.

*caligae : sandales.