
Comment rendre compte de l’horreur et de l’effroyable banalité du mal ?
C’est la question que s’est posé Jonathan Glazer. Il prend le parti de montrer la monstruosité du camp d’Auschwitz vu côté jardin, celui de la villa du commandant, Rudolf Höss, et de sa femme Hedwig. Un endroit que madame a rendu paradisiaque pour sa famille et qui se situe de l’autre côté d’un mur qui les sépare de la zone d’extermination. Une vie, à priori, paisible avec leurs cinq enfants en marge des incessants convois de déportés, des coups de feu, des hurlements de terreur et des fumées noires des fours crématoires.
Comment illustrer l’innommable ?
C’est sans doute parce que cela est impossible que le réalisateur a fait le choix de ne rien montrer des souffrances et supplices endurés par les déportés et a pris le parti de nous les faire entendre. Suggérer plutôt que montrer, une technique efficace de stimulation de l’imagination que connaissent bien les amateurs de films d’horreurs. Un concept qui fonctionne plutôt bien ici, du moins pendant les deux premiers tiers du film, jusqu’à ce que Rudolf Höss soit muté. Le fait de sortir de la villa montre alors les limites d’un procédé, certes habile, mais qui relève surtout de l’effet de style.
On peut rester dubitatif devant l’esthétique (la fumée d’un convoi longeant parfaitement le mur du jardin où les enfants s’amusent) et les options visuelles du cinéaste comme celui de montrer (filmé en négatif et à la manière d’un conte de fée) une jeune polonaise allant déposer, de nuit, des pommes pour les prisonniers. Ce qui était loin d’être l’envers du décor.
Cette volonté de décrire la banalité du quotidien des Höss par une suite d’images – faussement – d’Épinal finit, paradoxalement, par provoquer l’ennui. Sans doute pour que le spectateur se surprenne à tendre l’oreille et tente de décrypter l’horreur derrière le mur, se retrouvant dans la déplaisante position d’un auditeur « voyeur ».
Et que penser de la fin ambiguë du film ? La nausée, qui étreint subitement le commandant du camp, semble laisser entendre que lui-même est dégoûté par ses actes alors qu’il n’a jamais exprimé le moindre remord…
Instructive et glaçante, cette Zone d’intérêt est fort estimable, même si on pourra lui préférer Le fils de Saul sorti en 2015. Un film nécessaire qui ne sera, sans doute, vu que par les convaincus. Les autres préférant, comme souvent, se boucher les yeux… et les oreilles.
Malgré son dispositif, le film semble fonctionner et le bouche à oreille fait son effet. Je ne pense pas qu’il ait pour vocation de ramener les âmes perdues du negationnisme mais bien d’entretenir la flamme du souvenir en ouvrant l’œil sur une certaine réalité de la Shoah.
Je me suis toujours interrogé sur cette vision du monde qui fait côtoyer la plus grande détresse et la vie qui continue. Il y avait cela aussi chez Malick dans « la ligne rouge » quand il insistait sur la nature environnante juste à côté des combats terribles entre soldats.
Suggérer l’holocauste, confronter la vie ordinaire à la mort programmée au départ une bonne idée mais au final elle n’en était pas une. Nous faire suggérer l’horreur des camps !!!??? Comme si on ne l’avait pas déjà compris. Ce film est en fait infaisable… il ne sert à rien cinématographiquement parlant, pour la mémoire oui, il y avait beaucoup de jeunes dans la salle ou j’étais mais c’était à Paris quartier latin. Je serais curieuse de connaître le profil des spectateurs dans les autres régions. Chez moi il n’a pas été programmé des sa sortie…..